Madeleine HARDOIN a été élevée dans la religion catholique. Elle sera influencée par le courant incarné par Marc Sangnier. Après son diplôme de surintendante, elle entre, en 1921, à la Caisse de Compensation de la Région Parisienne, dont elle dirigera le service social jusqu’à sa retraite en 1948.  Dès sa fondation en 1922   elle siège au Comité Directeur de l’Association des Travailleuses Sociales,. Elle est  également membre des conseils d’administration de l’Ecole des Surintendantes, de la Fédération Mutualiste de la Seine, du Comité Social de l’Union des Caisses d’assurances sociales de la région parisienne, du Comité Technique de l’Office de Protection Maternelle et Infantile. Elle est désignée membre  du Comité de  perfectionnement des écoles de service social

Madeleine HARDOIN est née à Paris, le 22 juillet 1882, au 2, rue du Cherche Midi, d’Alexis HARDOIN, fondé de pouvoir et de Marie Elisa DENIZET, sans profession. Elle est la deuxième et seule fille d’une fratrie de 3 enfants. Pour des raisons économiques, la famille va s’installer à Etampes (91) auprès des grands-parents maternels et paternels qui sont de grands propriétaires terriens.

La maladie et la mort vont, peu à peu, décimer la famille : 1889, décès du grand-père paternel ; 1892, décès de sa mère Marie Elisa DENIZET, d’une embolie pulmonaire et de la grand-mère paternelle ; 1893, congestion cérébrale d’Alexis HARDOUIN qui diminuera ses facultés psychologiques et physiques jusqu’à la fin de sa vie ; 1894, décès de la grand-mère paternelle ; 1900, la grand-mère maternelle souffre d’apoplexie et décède en 1903. Entre 6 et 21 ans, Madeleine accompagne la trajectoire dramatique de sa famille et se montre courageuse et déterminée. C’est un leader naturel, tant à l’école qu’au domicile familial et ce, même aux pires moments de sa vie. Elle soigne son frère cadet qui se casse la jambe et qui peine à se remettre tout en effectuant les démarches nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires et matériels de l’ensemble de la famille. Douée d’une grande faculté d’adaptation, elle trouve également du soutien dans la religion catholique dans laquelle elle a été élevée.

C’est d’ailleurs à l’école catholique privée où elle est scolarisée qu’elle rencontre Sœur Raphaël – qui deviendra son mentor- surprise par la vivacité de la fillette qui, tout au long de sa scolarité, va obtenir la plupart des prix scolaires. Elle ne poursuivra pas ses études et, sans pour autant en ressentir un sentiment de sacrifice, se met pleinement au service de sa famille éprouvée. C’est Sœur Raphaël qui « installera » la jeune fille dans ce qu’il conviendra d’appeler la charité. Ainsi, pour Madeleine, protéger, aider, se substituer deviennent vite un art de penser, un art de faire.

En 1904, Madeleine HARDOIN retourne à Paris. Entre temps, Paul, le frère aîné rejoint le groupe de Marc SANGNIER, journaliste et homme politique qui a fondé le mouvement « Sillon » (qui sera condamné par le Pape en 1910), porteur de l’idée d’un catholicisme démocratique combinant foi religieuse et aspirations sociales. Elle est séduite par l’idéal d’éducation de la classe ouvrière et mesure le clivage qui existe entre celle-ci et la bourgeoisie. Sa rencontre avec Marc SANGNIER va être déterminante. Marraine d’un des enfants SANGNIER, elle est d’abord une amie de la famille plutôt qu’une militante à proprement parler. Elle accepte cependant, à la demande de Marc SANGNIER, de diriger un foyer coopératif étudiant à Paris. Elle s’intéresse également aux activités de la Fondation MAMOZ, directement rattachée à l’Elysée. Cet organisme qui croule sous les demandes de secours, diligente des enquêtes à domicile et dirige, entre autres, un ouvroir de chômeuses. Elle va très vite intégrer le personnel de la fondation et elle est considérée créatrice du Service Social de la fondation.

En 1914, la guerre s’annonce avec ses premiers ravages. Les hommes étant sur le front, les femmes sont contraintes de les remplacer dans les usines pour assurer l’effort de guerre. Cinq femmes se préoccupent de la nécessité d’apporter aux équipes féminines qui œuvrent dans les usines au contact des ouvrières, une aide matérielle, morale, touchant aussi bien aux questions familiales qu’aux principes de l’hygiène. Ce travail d’accompagnement ne peut se faire qu’avec ce qu’on appellerait aujourd’hui une solide qualification d’où l’idée de mettre en place une formation adaptée aux exigences de la situation.  Il s’agit de Cécile BRUNSCHVICG, Marie DIEMER, Marie ROUTIER, Henriette VIOLLET et Renée de MONTMORT. Elles combineront leurs réflexions et leur savoir-faire à la faveur des élèves de ce centre de formation qui est l’Ecole des Surintendantes fondée .Madeleine sera l’une des premières diplômées de l’Ecole des Surintendantes

Peu de temps après elle quitte Paris avec son père malade et sa fillette adoptive. Elle travaille dans une filiale de la Compagnie Générale d’Electricité de Saint-Jean-de-Braye (45) qui fabrique des obus. Elle est elle-même sur les chaînes de montage. Cette expérience, même brève, lui fait prendre conscience des conditions terribles dans lesquelles travaillent les femmes.  Ses qualités humaines, organisationnelles sont très rapidement repérées. On lui demande, dans un premier temps, d’améliorer le service de restauration de nuit. Elle veille à l’hygiène et à la sécurité des ateliers tout en ouvrant une crèche et une garderie. Elle se rebelle contre un certain cadre en refusant de porter l’uniforme, trop voyant à son goût, des surintendantes et de transmettre des rapports sur ses activités, arguant de l’urgence de faire et non d’écrire. Toujours éprise d’indépendance, Madeleine passe son permis de conduire, fait plutôt rare, pour l’époque. A l’Armistice, la CGE liquide une partie de son personnel. Madeleine HARDOIN est nommée adjointe d’un directeur commercial, poste qu’elle n’apprécie guère car elle veut avant tout mener une activité à caractère social.

En 1921, Marie ROUTIER lui propose d’entrer à la Caisse de Compensation de la Région Parisienne, créée en 1920, pour diriger le service social composé de six « dames-visiteuses » chargées de mener des enquêtes sociales auprès de familles en difficulté. Cette tâche connaîtra un développement considérable. Madeleine HARDOIN fera de la lutte contre la mortalité infantile un objectif majeur. Elle est à l’origine de la création de placements familiaux, de centres d’accueil, de colonies éducatives, de camps de vacances en plein air, de dispensaires médico-sociaux destinés aux allocataires et leurs familles. Elle organise également les campagnes de vaccinations. Elle fait distribuer des cartes-lettres dans les mairies, dispensaires, etc. qui permettent, sur présentation, d’offrir aux mères en situation de pauvreté, une layette, à l’arrivée de leur bébé. Très attentive à la relation mère-enfant, elle travaille à la limitation des placements hâtifs des enfants en nourrice, tout en étant soucieuse des situations graves, les petites victimes du destin. Elle favorisa aussi la mise en place de lactariums.

Elle participe également, en parallèle, à la création de deux branches de formation :

. Celle de l’enseignement ménager, sanctionné, par la suite, par un Certificat Professionnel d’art ménager. « Quand un foyer se crée avec un ouvrier spécialiste et une bonne ménagère, il y a beaucoup de chances pour que ce soit un ménage heureux. » Travaux de couture, de cuisine et d’entretien général sont à l’ordre du jour.

. Celle des auxiliaires familiales qui apportent leur aide à des familles désorganisées, assistent une mère débordée ou malade, remettent en état le foyer laissé à l’abandon, soignent les enfants et reprennent en main le cadre éducatif qui leur ferait défaut.

Par ailleurs, elle questionne l’orientation professionnelle des adolescents en réfléchissant sur la nécessité de réaliser un équilibre harmonieux entre leurs aptitudes et leurs intérêts.  La trilogie parent-enfant-employeur apporte, selon elle, une plus-value à l’élaboration du parcours professionnel et personnel d’un jeune en devenir.

En 1932, elle est présente au deuxième congrès international du service social à Francfort. Elle est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 27 juillet 1933.  Elle est, à ce moment, membre du Comité Directeur de l’Association des Travailleuses Sociales, fondée en 1922, membre des conseils d’administration de l’Ecole des Surintendantes, de la Fédération Mutualiste de la Seine, du Comité Social de l’Union des Caisses d’assurances sociales de la région parisienne, du Comité Technique de l’Office de Protection Maternelle et Infantile et du Comité de Perfectionnement des Ecoles de Services Social..

La deuxième guerre mondiale ouvre  un nouveau champ d’activités à Madeleine : organisation de la défense passive, assistance aux mobilisés et aux prisonniers, aide clandestine aux persécutés. Elle accepte d’entrer au Conseil Municipal de Paris, nommée par Pétain, malgré les avis de ses amis résistants, et dont la séance inaugurale se tient le 12 janvier 1942. Elle prend en charge les problèmes de ravitaillement. Mais elle refuse d’appliquer dans son service les lois antijuives de Vichy et de licencier les médecins juifs travaillant à la Caisse. Elle s’engage de plus en plus dans l’action clandestine et fait évader des enfants juifs auxquels elle fournit de faux papiers. En 1942, Jeanine, sa fille adoptive meure accidentellement.

En décembre 1944, sur l’initiative de Madeleine HARDOIN et de Marie Louis DESTRUEL, le Comité d’entente et de liaison, se réunit, il est composé de 89 déléguées, parmi lesquelles des adhérentes de l’ATS (Association des Travailleuses Sociales), de l’UCSS (Union Catholique des services de santé et services sociaux) ou de l’UAS (Union des Auxiliaires Sociales.  Ces professionnelles se réunissent pour discuter le projet d’un groupement national et de l’avenir de la profession. Madeleine Hardouin est pressentie comme la future présidente de l’Association Nationale des Assistantes Sociales mais les statuts, adoptés lors de l’assemblée générale de fondation, vont marquer une nette rupture. La volonté de limiter le poids des assistantes sociales chefs se traduit, entre autres, par la création du « comité hors région » qui regroupe les assistantes sociales chefs ayant des responsabilités sur toute la France et par la limitation du nombre de représentantes de ce comité au Comité national. Madeleine soutient alors la candidature de Ruth LIBERMANN à la fonction de première présidente de l’ANAS. Cette dernière avait eu, comme jury, Madeleine HARDOUIN dont elle dira « Jeune assistante, j’avais bien entendu parler de Mademoiselle HARDOUIN, comme un apprenti entend parler d’un grand maître. Je l’avais vu auréolée du prestige de l’examinateur à mon diplôme d’Etat. »

A la libération,Madeleine Hardouin est frappée  d’indignité nationale mais elle refuse l’intervention de ses amis et leur dit qu’elle assume. Elle est très vite innocentée puis réhabilitée. 

En 1948, elle prend sa retraite à 66 ans, reconnue par tous, y compris par les syndicats, conscients des réalisations considérables à la faveur de la classe ouvrière. Le 7 septembre 1960, elle décède subitement. Sa devise, retrouvée dans ses papiers après sa mort  est « Dieu, Premier servi« .

VAHA Isabelle   mai 2019

Sources

  • HARDOIN Madeleine, Brochure de la Mairie du V° arrondissement, 1° trimestre 1961
  • HARDOIN Madeleine, Synthèse in Vie Sociale, N°5-4/1993, CEDIAS, PARIS
  • PASCAL Henri La construction de l’identité professionnelle des assistantes sociales. L’Association nationale des assistantes sociales (1944-1950)Presses de l’EHESP  Coll. Politiques et interventions sociales Rennes 2012  277 p.