Née le 18 septembre 1881, décédée le 29 juin 1964 ; surintendante du service social chez Jean Patou (1925-1928), contrôleur de la main-d’œuvre étrangère, chargée de la protection des immigrés au ministère du Travail ; contribue au lancement d’un Institut des sciences sociales du travail (1951).

Élevée par ses parents en Russie à Saint-Petersbourg au n° 4 quai des Anglais, ancien palais Troubetskoï, Marie ou Maroussia Warschawsky appartient à une famille de la haute bourgeoisie juive proche de la Cour du Tsar, en étroite relation avec les banques juives de Paris et Londres, notamment la banque Cahen d’Anvers, et associée au développement des chemins de fer russes. Ses parents avaient une datcha à Tsarkoié-Selo, non loin des palais impériaux.

Elle reçoit une instruction européenne complète, tant littéraire qu’artistique, en français, anglais, allemand, italien et russe. Dès son adolescence, elle a une prédilection pour les ouvrages révolutionnaires qui prônent à Paris la révolution sociale et plus de justice envers le peuple. À l’occasion de ses voyages en France, notamment auprès de sa tante, Loulia Warschawski – mariée à Albert Cahen d’Anvers, compositeur, fils de Joseph Cahen d’Anvers, banquier, et frère de Louis, également banquier et acquéreur du château de Champ sur Marne –, elle s’intéresse à la mode et crée à Saint-Pétersbourg, avec de petites « cousettes », un atelier de confection de robes de luxe, dont elle sut, par ses introductions, habiller nombre de femmes de la Cour et ainsi soutenir ses protégées.

En 1905, la flotte russe est défaite face à la flotte japonaise à Port-Arthur (aujourd’hui Dalian) et Maroussia Warschawsky, ayant obtenu un diplôme d’infirmière, fonde et convertit en hôpital n° 6 la datcha familiale au milieu des bouleaux de Tsarskoié-Selo pour accueillir les nombreux blessés. Elle y reçoit à plusieurs reprises la tzarine en visite. En 1907, les deux sœurs Shilling, demoiselles d’honneur de l’Impératrice, la mettent en rapport avec Melle Scholtz, la fille du président du Sénat, qui dirige à Tsarskoié-Selo un hôpital d’enfants atteints de tuberculose osseuse. Maroussia y travaillera pendant deux ans, de 8 h du matin jusqu’au soir.

Se rendant en France, elle prend connaissance des communications faites par Mme Aïsoff, docteur en médecine de la Faculté de Paris au premier congrès international de la Goutte de lait en 1905. De retour à Saint-Pétersbourg où son père vient de déménager au 62 quai des Anglais, elle aménage, au rez-de-chaussée, le Centre de protection maternelle et infantile de Vassiliewsky-Ostrov, premier dispensaire « Goutte de lait » de Russie pour venir en aide aux mères en difficulté. Ce centre sert de modèle aux institutions analogues ensuite créées à Saint-Pétersbourg, notamment après la création en 1913 du Conseil supérieur de l’enfance et de la maternité dont Maroussia Warschawsky fait partie jusqu’en 1918. Ce centre obtient la médaille d’or du mérite de la Russie. Elle est en relation avec la création de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), créée en 1912 à Saint-Pétersbourg pour la communauté juive par le docteur S. Frumkin et dont Lazare Gurvik devient secrétaire général en Russie avant de gagner avec l’OSE la Lituanie, puis Berlin jusqu’en 1933 où la présidence est confiée à Albert Einstein, enfin Paris en 1933.

Après la révolution bolchevik dont elle se tire par miracle, elle réussit à gagner la France et met à profit ses expériences antérieures. Elle se remet à des études, d’abord de puériculture, puis suit la formation et obtient les diplômes de surintendante d’usine et des services sociaux, d’assistante de service social et de conseiller du travail entre 1924 et 1928. Elle devient en 1925 surintendante du service social chez Jean Patou, où elle organise le « service mutuel » et arrive à faire conclure le 3 février 1926 la première convention collective de la maison, dont les dispositions sont en avance sur l’époque (congés payés, salaire minimum égal pour les deux sexes, heures d’enseignement professionnel, prises sur le temps de travail et payées, dans l’établissement pour les apprenties). Elle obtient la mise en place d’une société de secours mutuels. Elle échoue dans la création d’un centre d’apprentissage et, peu après, la maison Patou se sépare d’elle.

Dès juillet 1928, elle entre au ministère du Travail où elle est nommée contrôleur de la main-d’œuvre étrangère, chargée de la protection des immigrés. Elle y sera, notamment en relation avec le Service social d’aide aux émigrants (SSAE) et sa présidente, de 1932 à1964, Lucie Chevalley (1882-1979). Elle est nommée chevalier du Mérite social en 1939.

En 1940, en application des décrets antisémites du gouvernement de Pétain, elle est expulsée de la fonction publique et du ministère du Travail. Elle entre dans la clandestinité avec son amie juive, Olga Raffalovitch, au 4 avenue de Lowendal. Elles y cachent des aviateurs anglais et divers résistants. Le 19 août 1944, c’est dans leur appartement que se réunissent en secret, autour d’Alexandre Parodi qui en a fait le PC de la délégation générale et de Laffont, Chaban-Delmas, Bloch, Dassault, Ely et Rol-Tanguy. Une nouvelle réunion s’y tient le dimanche 20 août ; le 25 août, Paris est libéré.

Après la Libération, Maroussia Warschawsky contribue, avec le concours d’Olga Raffalovitch (1906-1993), qui deviendra, à la direction générale du travail et de la main-d’œuvre, sous-directeur, puis directeur-adjoint de 1945 à 1971, au lancement d’un Institut des sciences sociales du travail, projet qu’elle porte depuis vingt-cinq ans dans son cœur et obtient sa création avec l’appui du ministère du Travail et du doyen Davy en juillet 1951.SOURCES : Recueil Marie Warschawsky, documentation familiale de Monbrison. – Christian de Monbrison, Vie d’un homme d’hier, aujourd’hui et… juste un peu plus, Paris, L’Harmattan, 2014.

Michel Laroque