
Nahum, son père, journaliste originaire d’Odessa, sioniste militant, deviendra directeur du Keren Hayessod (fonds national de reconstruction), avant d’être déporté à Auschwitz en janvier 1944.
Vivette est, très tôt, sensibilisée aux questions éducatives, en devenant monitrice au pair, pendant les vacances, dans l’internat du château d’Annel, près de Compiègne, où sa soeur était scolarisée. Cet établissement catholique dirigé par le Dr Robert Préault accueillait des enfants de la bourgeoisie parisienne ayant des difficultés d’adaptation.
En 1936, Vivette entreprend des études de philosophie à la Sorbonne, et s’engage avec les étudiants communistes dans une action auprès des républicains espagnols. En janvier 1939, elle fait partie d’une délégation qui doit apporter de l’argent dans Barcelone bombardée. Cette expérience l’a fait beaucoup fait mûrir et réfléchir, mais elle s’éloigne des étudiants communistes qu’elle trouve manipulateurs. Elle se remet à son diplôme de philosophie et soutient son mémoire intitulé « La rancune, étude psychologique », en 1941, à Toulouse, sous la direction du professeur Meyerson. Son besoin d’engagement la conduit à rencontrer un ami de son père qui la dirige vers l’Unitarian Service Committee de Marseille. Cette organisation protestante qui avait installé un jardin d’enfants au camp de Rivesaltes pour les républicains espagnols, dirigeait un centre médico-social conjointement avec l’Oeuvre de secours aux enfants (OSE). C’est là qu’elle rencontre Andrée Salomon qui lui fait découvrir la misère des camps d’internement et l’urgence à faire sortir les enfants.
En novembre 1941, elle devient « assistante résidente » de l’OSE au camp de Rivesaltes, pendant sept mois, en remplacement de Charles Lederman.
Son travail consiste à prendre contact avec les familles de juifs étrangers internées pour les persuader de confier leurs enfants à l’OSE et d’organiser leur sortie. 400 enfants sont libérés pendant cette période.
Elle est, ensuite, déléguée de l’OSE auprès de l’« Amitié chrétienne pour visiter les Groupements de travailleurs étrangers (GTE) de Savoie et Haute-Savoie. Chargée de l’inspection sanitaire, elle cherche également à ramasser les enfants qui pourraient être là-bas.
En octobre 1942, elle se marie au Couret, une maison de l’OSE, avec Julien Samuel, alors directeur du centre OSE de Marseille. Avant la descente de la Gestapo, en mars 1943, les Samuel partent à Limoges pour ouvrir un bureau de l’OSE. C’est là que son père, Nahum Hermann se fait arrêter sous ses yeux.
Avec la naissance de sa fille Françoise, en juillet 1943, elle laisse sa place au bureau de Limoges à Pierre Dreyfus (dit Pierre Dutertre). Vivette devient Henriette Lutz.
Les Samuel partent à Chambéry monter une antenne clandestine et accélérer les passages vers la Suisse, puis se réfugient près d’Aix-les-Bains.
Les premières années d’après-guerre sont consacrées à élever ses trois enfants Françoise, Jean-Pierre et Nicole. Mais elle veut reprendre une activité tournée vers l’action sociale et suit la formation de l’école des surintendantes d’usine de Paris, une école de service social créée en 1917 par Cécile Brunschwig. Pendant la guerre, à Marseille, Andrée Salomon avait tenté de mettre sur pied une formation liée à cette école, mais le projet avait tourné cours, du fait de l’opposition de Vichy à cette formation destinée à des jeunes filles juives.
En septembre 1950, après son diplôme, Vivette occupe son premier poste professionnel à l’ADIR, une association privée d’anciennes déportées de la Résistance où elle est assistante-sociale chef.
En 1954, l’OSE lui propose la responsabilité du service social. Elle entre comme assistante-chef du service de l’enfance qui réunit toutes les assistantes sociales et les auxiliaires de l’association. Son but est de renforcer le suivi social des enfants accueillis dans les maisons ouvertes pour les orphelins de la Shoah, puis pour les enfants venus d’Afrique du nord. Elle impose et contribue à construire un service social autonome, ce qui est en adéquation avec les politiques publiques d’après guerre.
Elle met en place un service d’accueil innovant appelé « Intake » (terme désignant, dans les pays anglo-saxons, le service qui décide de la « prise en charge » du cas) à Paris, et par le Service d’Action Educative en Milieu Ouvert dans les départements de la Couronne. Des consultations hebdomadaires, ouvertes à tous les services, permettent, avec les travailleurs sociaux qui connaissent la famille, l’étude approfondie du cas, l’élaboration d’un plan de travail et, le cas échéant, la passation dans de bonnes conditions, à l’intérieur même de l’OSE, au service le plus apte à le prendre en charge.
Le terme « d’inadaptation» devient un véritable concept organisateur autour de la notion de famille déstructurée. « Pour aider une famille transplantée, il faut, en premier lieu, connaître ses conditions de vie antérieures, les éléments socio-culturels de son passé, les sentiments qui l’animent dans le présent. C’est tout le « vécu » de cette transplantation qu’il faut analyser et comprendre pour évaluer le degré et la nature du danger couru par les enfants et y porter remède. Mais dans la plupart des cas, le problème véritable se situe au niveau de la relation parents-enfants, entraînant des troubles qui font craindre la perspective de « danger » présent ou futur; on sait que la qualité des liens qui existent et se développent entre parents et enfants est un facteur décisif de la maturation et de la capacité de ces derniers à s’adapter à la réalité. »
De plus, grâce à l’école de Paul Bearwald, créée en 1949 près de Versailles, elle diffuse le case-work à l’OSE et au sein des milieux professionnels. Cette méthode d’intervention américaine, peu connue, est devenue un fer de lance technique englobant la formation et la supervision et a fait connaître l’OSE dans le milieu professionnel. « C’est le rôle dévolu à l’encadrement technique, à la supervision, à la consultation, aux réunions de service et aux journées d’étude. Les structures souples de l’O.S.E. permettent d’expérimenter et de mettre au point des techniques de travail qui peuvent ensuite être appliquées dans d’autres secteurs. »
Ses activités de formatrice, puis de consultante – elle intervient à l’Association nationale des assistants de service social (ANAS), dans les écoles de service social de l’Union nationale des caisses d’assistance familiales (UNCAF), au service social de la SNCF et à l’institut de Montrouge – ont permis à Vivette Samuel de contribuer à la mise en œuvre de la réforme de l’aide sociale à l’enfance dans les années soixante, en particulier sur la prévention administrative. Elle est, avec Myriam David, « responsable pédagogique des sessions d’étude et de perfectionnement des travailleurs sociaux des services de prévention ». Ces sessions, organisées par le ministère de la Santé et de la Population, à l’institut de Montrouge, se tiendront jusqu’en 1968.
En 1979, elle devient directrice de l’Enfance, puis directrice générale à la suite de Marc Schiffmann.
Sous son impulsion, le service social de l’OSE devient un service pilote en matière de protection de l’enfance. Ce qui aboutit à la signature d’une convention avec l’ASE qui accepte la spécificité de l’OSE, dont les missions d’actions sociales porteront sur « des familles qui, par la suite de déplacements ou de transplantation, se trouvent inadaptées à leurs nouvelles conditions d’existence» (OSE, rapport d’activité 1964). « Nous gardons, en effet, à l’esprit la préoccupation de veiller à l’évolution parallèle de tous les services de l’OSE, remplir le mandat qui nous est confié par les services de Prévention et les juges pour enfants, intégrer notre action dans le réseau de l’action communautaire et maintenir les échanges avec tous les Organismes qui, sur le plan national, concourent à la protection de l’enfance. »
Elle prend sa retraite en 1985, elle meurt en 2002.
BIBLIOGRAPHIE : Michèle Becquemin, Une institution juive dans la république. L’oeuvre de secours aux enfants, Pour une histoire du service social de la protection de l’enfance, édition Pétra, 2013. – Samuel Vivette, Sauver les enfants, Liana Levi, 1995.
Katy Hazan