
Née le 18 août 1904 à Hennebont (Morbihan), décédée le 14 juillet 2002 ; en 1922 départ à Paris mariage avec le peintre Lucien Courbet, naissance d’une fille en 1928. Installation à Marseille, adhésion au Parti Communiste Français en 1936, 1940-1942 activités de résistance. 1943 accompagne sa fille malade en Normandie, occupe un poste d’assistante sociale au dispensaire « La mère et l’enfant » à Paris, participe, avec l’OSE, au sauvetage des enfants juifs. Après-guerre revient à Marseille et et ravaille comme assistante sociale dans diverses institutions sociales juives.
Marie Josèphe Philippe nait à Hennebont dans le Morbihan le 18 aout 1904 dans un milieu très pauvre. Son père est employé aux Forges de Hennebont en qualité de marinier, sa mère est repasseuse. Elle est l’aînée de trois enfants et lorsque la mère décède en 1917, c’est elle qui prend en charge ses petites sœurs de 4 et 11 ans et assure la gestion du foyer.
À 18 ans, avec le brevet supérieur en poche, dans l’obligation de gagner sa vie, elle part à Paris rejoindre une amie placée comme bonne et entre chez une artiste en vitraux, mademoiselle Huret, atelier où se croisent des peintres, des musiciens, milieu un peu bohème et culturel. C’est là qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari, Lucien Courbet, un artiste peintre portraitiste. Le couple s’installe à la Ruche à Montparnasse où naîtra leur fille Françoise en 1928. A cette époque, elle travaille comme demoiselle de compagnie chez Melle Berthe Galeron de Calonne, sourde et aveugle et présidente de la ligue des aveugles. Elle est ensuite vendeuse aux éditions philosophiques Félix Alcan, boulevard Saint-Germain.
Marseille
En 1932, Lucien Courbet décide d’emmener sa famille à Marseille où il doit confectionner des décors de théâtre avec un ami. Peu de temps après son arrivée, il est victime d’un accident de la route et perd son travail. Il apprendra par la suite le métier de frigoriste. L’argent manque et Marie Josèphe occupe divers emplois: salon de thé, magasin de tricot, dame de compagnie dans une importante maison de consignataires maritimes à Bollène où elle a pu garder sa fille avec elle.
En 1936, pendant la guerre d’Espagne et le Front Populaire, une rencontre avec un militant communiste va lui faire prendre conscience du malaise social et l’amener à s’engager dans la politique. Elle adhère au Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme, présidé par Romain Rolland. Elle devient rapidement très active au sein de la Maison du Peuple d’Endoume où elle occupera une fonction de secrétaire de cellule. Son mari viendra la rejoindre lorsque le parti communiste entre dans l’illégalité, voulant être auprès d’elle en cas de danger. En famille tous le trois avec leur fille, ils distribuent des tracts dans le quartier. Ils sont dénoncés mais la perquisition à leur domicile sera sans effet.
À l’occasion de la manifestation du 14 juillet 1942 où trois patriotes sont morts sur la Canebière, elle entraîne avec une camarade militante, une centaine de personnes au pied du fort Saint Nicolas où sont enfermés des résistants et, pour les réconforter, tout le monde chante la Marseillaise et l’Internationale. Elle quitte Marseille à la suite d’une deuxième perquisition à son domicile rue du chemin du Port.
L’engagement
Au mois de mai 1943, elle accompagne sa fille malade en Normandie chez une amie et, de retour à Paris, elle est sollicitée pour occuper un poste d’ « assistante sociale » dans un dispensaire dirigé par le docteur Youchnovetski, la Mère et l’Enfant, situé 36 rue Amelot dans le 11ème arrondissement. Sous couvert d’une appellation philanthropique, « La Colonie scolaire », cette organisation participe au sauvetage des enfants juifs aux côtés de l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfant) en éloignant de Paris les enfants juifs victimes des lois raciale. La mission de Marie Josèphe consiste à accompagner des enfants dans des familles qui acceptent de les recevoir, puis de s’assurer des bonnes conditions de vie, de donner des nouvelles, de remettre la pension chaque mois, de faire respecter leurs croyances religieuses et de les déplacer en cas de danger. Elle conduira ainsi des dizaines d’enfants dans l’Orne et surtout le Loir et Cher, à travers les bombardements, les gares démolies, les trains coupés, les contrôles de la police française, les patrouilles allemandes, proposant même un jour de faire établir une carte d’identité française à une petite fille du même âge que sa fille avec son propre livret de famille. Elle faisait passer ses protégés pour des réfugiés de Brest, ville dont l’état civil avait été détruit victime des bombardements alliés. Le choix est doublement judicieux : l’exode des enfants paraît légitime et nul ne pourra vérifier, les archives ayant été détruites. A ses retours de tournée, elle rapporte un surcroit de victuailles afin de se donner une couverture en cas de contrôle : le marché noir est moins périlleux que la cache des Juifs. Son appartenance au Parti Communiste aggravait évidemment les risques encourus. Son action a fait que pas moins de 28 ou 29 enfants juifs « les petits réfugiés de Brest » ont trouvé asile dans 3 villages voisins, Trôo, Saint-Jacques-des-Guérets et Saint-Quentin. » (Patrick Cabanel, Histoire des Justes en France, 2012)
Sa fille était venue la rejoindre à Paris mais elle ne se doutait pas du danger quotidien auquel sa mère s’exposait. La Colonie scolaire ayant subi plusieurs descentes de la Gestapo, au cours de la quelle le directeur David Rappoport fut arrêté, elle se voit confier tous les dossiers des enfants ainsi que la correspondance avec les nourrices. Elle prend très à cœur son rôle de protectrice des enfants juifs : « en 1943, on nous signala qu’un de nos enfants, un garçon de 11 ans, était prêt à se convertir. Il raconta son attirance pour cette nouvelle croyance dans une lettre à sa mère et l’invitait à assister à la cérémonie. Nous avons immédiatement délégué notre collaboratrice non juive. Elle s’est rendue par trois fois dans le village où vivait l’enfant. Il fallait dissuader l’enfant et lutter fortement contre le prêtre. Madame Courbet mena sa mission comme l’aurait fait une femme juive. Finalement elle obtint que l’enfant renonce à sa conversion. Elle est revenue à Paris, heureuse de ce résultat.» (Juda Jacoubovitch, « Rue Amelot », Le Monde juif n° 155, 1995)
Après la Libération, elle continue le travail social à La Colonie scolaire, surveillance dans les placements familiaux, démarches multiples auprès des autorités militaires, constitution des tutelles.
En 1945, elle suit un cours d’Assistantes sociales mis en place par l’association des fédérations juives, assuré par des médecins, pédagogues, infirmières, avocats et assistantes de différents centres de l’Assistance publique. Elle obtient ainsi l’équivalence du DE d’Assistante sociale (journal officiel du 6 aout 1950).
Retour à Marseille
En 1945 c’est le retour à Marseille. Marie Josèphe maintient son engagement auprès du Parti communiste à la cellule de St Giniez et poursuit son activité au dispensaire de l’OSE de Marseille de 1946 à 1962 puis à l’OPEJ-Œuvre de protection de l’Enfance juive et ensuite au CASIM (Comité d’Action sociale israélite de Marseille). Il s’agit de venir au secours des familles nécessiteuses, de s’occuper de leur état de santé, et d’organiser les départs vers Israël.
En 1950 son mari décède des suites d’une longue maladie. A 65 ans, en 1969 elle doit prendre sa retraite, mais travaille comme garde malade pendant un an. En 1970 elle devient la première déléguée à la tutelle de la Société d’Hygiène du Sud Est, service tutélaire qui assure la protection et la réinsertion des malades mentaux. Là, elle prend en charge des « incapables majeurs » et les accompagne dans les divers actes de la vie, répondant ainsi à la mission d’aide à la personne que cette institution s’est fixée. En 1973, un grave accident de la circulation la prive momentanément de cette activité à laquelle elle reviendra, légèrement handicapée mais toujours présente. En 1980 elle s’arrête définitivement ; elle reste à Marseille jusqu’en 1989 et finira ses jours chez son gendre et sa fille à Eguilles (Bouches du Rhône) où elle décèdera le 14 juillet 2002.
Reconnaissance
Le 26 octobre 2004 à la mairie de Bagatelle dans le 8e arrondissement, le Consul Général d’Israël, Ari Avidor et Robert Mizrhi, président du Comité Français Yad Vashem, lui décernent le titre de Juste parmi les Nations à titre posthume.
SOURCES : Témoignage de Françoise Courbet. — Dray-Bensousan Renée, Hélène Echinard, Éliane Richard (coordination), Dictionnaire des Marseillaises, Marseille, Éditions Gaussen, 2012. — Dossier d’engagement à l’OSE, Archives du personnel.
Jacqueline Félician, avec la participation de Katy Hazan