Née le 9 septembre 1883 à Alençon, s’engage en 1906 dans les résidences sociales. En 1910, après le procès de Marie-Jeanne Bassot, elle s’investit avec elle dans la résidence sociale de Levallois Perret, où elle met en place le volet sanitaire. Catholique, elle fonde, en 1929, « Le Lien » association visant à regrouper les assistantes sociales catholiques.

À Alençon, le père de Mathilde Girault, Stéphane Albert Girault, âgé de 32 ans à sa naissance, était employé des Postes et Télégraphes. Sa mère Clémentine Marie Léontine Mallet était âgée de 26 ans. Ils s’étaient mariés le 11 décembre 1882 à Ecouché (Orne). Mathilde était le premier enfant du couple, six autres naitront dans les années suivantes. Ses deux parents étaient issus de familles normandes. Le grand père paternel avait été professeur à la Faculté des Sciences de Caen, son grand père maternel avait été notaire en Normandie. Des deux cotés, il s’agit de familles catholiques. Comme elle le dit bien plus tard : « Je suis née à la fin du siècle dernier d’une famille chrétienne teintée de jansénisme. On avait la Foi, on faisait son Devoir, mais la Vie Intérieure était à peu près ignorée » Après des études primaires et secondaires elle obtient, le 23 juin 1899, le brevet élémentaire. A 22 ans, en 1905, elle fit part à ses parents de son désir d’entrer dans un couvent. Ceux-ci s’en inquiétèrent et la dissuadèrent de le faire en prétextant les difficultés que connaissaient à l’époque les congrégations. Selon Mathilde Girault : « La perspective du couvent avait tout d’abord déchainé l’indignation ; j’ai entendu de la bouche de ces chrétiens ces mots étranges : « c’est notre punition de vous avoir élevés chrétiennement ». » L’opposition des parents lui ferme la porte du couvent, mais l’aspiration à une vie consacrée se maintient. En 1906, à Bolbec, le vicaire de la paroisse, l’abbé Charles Lemercier rencontre un groupe en vacances à Bolbec, dans ce groupe est présente Mercédès Le Fer de la Motte, à cette époque engagée dans les Maisons Sociales. L’Abbé Lemercier organise une rencontre entre Mercédès Le Fer de la Motte et Mathilde Girault. A la suite de cette rencontre, sur les conseils de l’abbé Lemercier qui lui affirme que « sa vocation religieuse devait être vécue dans le monde », Mathilde Girault rejoint les maisons sociales en 1906 « pour servir dans la légion nouvelle » comme elle le déclare, « légion » dont elle était « la dernière de la juvénile équipe ». Rassurés de la voir renoncer au couvent, ses parents acceptent son départ pour Paris et lui assurent une rente.
De 1906 à 1909 Mathilde Girault est résidente dans les Maisons sociales de Ménilmontant, Montmartre et Plaisance, par période elle est aussi présente aux sanatoriums de Dinard et de Salies de Béarn. Elle est très proche de Marie Jeanne Bassot*. En juillet 1908, elle est avec Marie Jeanne Bassot lorsqu’elle est enlevée en pleine rue par des hommes de mains recrutés par sa famille. Enlevée à Paris, enfermée dans un établissement psychiatrique en Suisse, Marie Jeanne Bassot revient à Paris et intente, en mars avril 1909, un procès pour enlèvement, alors que son père, le Général Bassot poursuit en justice les Maisons sociales sous l’accusation d’être une congrégation religieuse reconstituée. Le père de Mathilde Girault rejoint le général Bassot dans cette action. Ces procès vont déstabiliser les Maisons sociales ; démissions et suspensions de financements se multiplient. En conséquence, le Comité directeur de l’œuvre prononce, en octobre 1909, la dissolution de l’association et la fermeture des six maisons sociales existantes.
En 1908 avait été créé à Levallois Perret une maison sociale, c’est dans cette ville que s’installe, en 1910, Marie Jeanne Bassot dans l’objectif d’y ouvrir une résidence sociale. Mathilde Girault l’y rejoint. Pour financer leur projet, Marie Jeanne Bassot donne des cours de piano et Mathilde Girault des cours de français ; elle commence aussi une activité d’infirmière à domicile. La résidence sociale ouvre en 1911 dans les deux pièces louées dans une maison ouvrière de la rue Trézel. Les conditions de vie de ces deux résidentes est très précaire comme en témoigne Mathilde Girault : « Le soir on allonge le fameux lit pliant, dans la salle à manger. Il y a un divan dans la seconde pièce. L’étroite cuisine sert de cabinet de toilette. Pour la nuit, afin de gagner du terrain, on suspend les chaises comme on l’a vu faire chez les pauvres gens. (…). De l’habillement, il ne peut être question ; nos amies nous passent leurs défroques, ce qui nous revêt à peu de frais, de manière assez pittoresque ; il nous arriva d’avoir pour nous deux un seul chapeau élégant, que nous prenions à tout de rôle pour les sorties mondaines, les démarches, les congrès. »
Peu de temps après la résidence s’installe 36 rue du Riva où sont organisés des cours de couture pour les fillettes – groupe « les futures femmes de France » – après l’école, des jeudis après midi de chant pour les garçons – groupe « les intrépides ». Le lundi soir « les bonnes voisines » viennent faire du raccommodage. A cela s’ajoute le cercle des jeunes gens le samedi soir tandis qu’un petit dispensaire est ouvert.
Au tout début de la guerre son jeune frère est tué, cet évènement la rapproche de ses parents. Dans une lettre qu’il lui a adressée le 6 novembre 1914, le Cardinal Amette déclare : « Je suis heureux de savoir que de bonnes relations sont rétablies entre vous et votre famille, je souhaite la même grâce à votre chère compagne. » Mais les « bonnes relations » avec ses parents ne sont pas incompatibles avec la poursuite de ses activités au sein de la résidence de Levallois qui, en 1914, s’installe dans ce qui deviendra son adresse définitive : le 32 rue Antonin Raynaud. Dans ce local un dispensaire est ouvert sous la responsabilité de Mathilde Girault. En 1916 elle constitue à Levallois une section de l’association « Infirmières visiteuses de France » à la demande des fondatrices de cette association Marie Diemer et Renée de Montmort, elle en devient la responsable. L’année suivante elle fonde le Dispensaire Antituberculeux, situé 38 rue Gide à Levallois, avec le docteur Louis Guinon, médecin à l’Hôpital Bretonneau où il soigne les enfants malades. Ce dispensaire est en liaison avec le Comité départemental d’assistance aux malades tuberculeux et la protection des réformés n° 2 ; elle en prend la direction. Après, en 1918, grâce au financement, par l’épouse du directeur des Etablissements Kuhlmann, du parc et des terrains autour de la résidence sociale, le dispensaire s’installe au 34 de la rue Antonin Reynaud et il est rattaché à l’Office Public d’Hygiène Sociale de la Seine. Mathilde Girault en reste la directrice et devient secrétaires générale de l’association locale d’hygiène sociale présidée par le docteur Gendron. Ce dispensaire met surtout en place des consultations prénatales et des consultations de nourrissons. En 1920 elle adhérer au groupe spirituel « Union Notre Dame » fondé par Mercédès Le Fer de la Motte qui s’installe au château du Ris, près de Douarnenez ; ce groupe sera rattaché en 1937 à l’Ordre de La Merci.
Dans les premières années qui suivent la fin de la première guerre mondiale, la Résidence sociale de Levallois se structure et se développe. Des pavillons accueillent jardins d’enfants, garderies, cours, un gymnase est construit pouvant accueillir des spectacles et des conférences, des chambres sont aménagées pour les élèves résidentes de l’Ecole d’Action Sociale qui vient d’ouvrir sous la direction d’Apolline de Gourlet. La résidence se constitue en association en 1920 et Mathilde Girault en devient la secrétaire générale adjointe. Quelques années plus tard elle est élue, en 1926, secrétaire générale de l’Association d’hygiène sociale qui gère le dispensaire de Levallois. Et, en 1927, lorsque la campagne du timbre antituberculeux est élargie à toute la France, elle est désignée comme délégué de la campagne du timbre antituberculeux pour la commune de Levallois. Cette même année 1927 elle obtient, par équivalence, le diplôme d’infirmière.
Poursuivant son engagement confessionnel, elle fonde, en 1929, l’association Le Lien, visant à regrouper les travailleuses sociales catholiques, dans l’objectif de faire le lien entre l’action sociale et la foi catholique. Le père Joseph Courtade, fondateur de l’Union Notre Dame, accepte de devenir président d’honneur de la nouvelle association à laquelle adhère Mercédès Le Fer de la Motte. Le Lien est déclarée association en 1932 : sa première assemblée générale fondatrice est présidée par Robert Garric. Ce militantisme confessionnel l’éloigne de Marie Jeanne Bassot qui, dans la résidence sociale de Levallois comme dans la Fédération des Centres sociaux de France, veillait à écarter de l’action sociale tout prosélytisme religieux. En 1933 Mercédès le Fer de la Motte décède à la Résidence sociale de Levallois, au cours de l’une de ses visites. Trois ans après le décès de Marie Jeanne Bassot clôture la première période de vie professionnelle de Mathilde Girault.
Durant la seconde guerre mondiale, elle multiplie ses responsabilités sur la commune de Levallois ce que rappelle son dossier lors de sa nomination de chevalier de la Légion d’honneur en 1948 : « De 1939 à 1947 déléguée technique. Secrétaire générale de l’entr’aide aux prisonniers de guerre, déportés, réfugiés. Déléguée cantonale pour l’attribution des secours. Déléguée à la Famille du Prisonnier, aux comités de protection infantile, aux placements d’enfants en exode, aux postes d’accueil en prévision des bombardements. Chargée de la coordination mensuelle des services sociaux municipaux et des œuvres de la mairie. De 1941 à 1945 administrateur du bureau de bienfaisance » C’est au cours de cette période qu’elle devient titulaire, en 1942, du diplôme d’assistante sociale et qu’en 1943 elle prend sa retraite de ses fonctions au sein du dispensaire. Après, et jusqu’en 1969, elle poursuit ses activités associatives, notamment à la rédaction du bulletin de l’association Le Lien. A l’âge de 91 ans le 16 mars 1974 elle décède « en son domicile » comme le précise son certificat de décès 32 rue Antonin Raynaud à Levallois, c’est-à-dire au siège de la résidence sociale qu’elle a fondé, soixante quatre ans plus tôt aux cotés de Marie Jeanne Bassot.
SOURCES : Mathilde Girault (1883-1974) Association Le Lien – Sylvie Fayet-Scribe, La Résidence sociale de Levallois-Perret, naissance des centres sociaux de France, Toulouse, Érès, 1990 – Sylvie Fayet-Scribe, Associations féminines et catholicisme. De la charité à l’action sociale XIXe-XXe siècle, Paris, Les Éditions ouvrières, 1990 –Jean Marie Girault, Sur le chemin de l’Hôtels de Ville, Bayeux, OREP éditions, 2016 – Élisabeth Dupeyrat, Le grain de Sénevé, Paris, Œuvre populaire d’éducation et de rénovation, 1946 – Archives de la Légion d’Honneur.
Henri Pasc