Née à Lyon le 1er mars 1898 Marguerite Martin, connu sous le nom de Daizy George Martin, milite, à Lyon, dans les syndicats féminins catholiques puis elle fait des études à l’ENS en 1925. Diplômée, elle s’engage dans l’Union Féminine Civique et Sociale. En 1940 elle entre dans le mouvement de résistance Combat, arrêtée elle est fusillée en 1944.

Marguerite Marie Louise Martin nait à Lyon est la quatrième enfant d’une fratrie de sept. Son père, Georges Martin, est avocat avant d’entrer dans l’entreprise Piaton, appartenant à son beau-père, dont il deviendra Directeur. Sa mère, Thérèse Piaton, donne des cours d’enseignement ménager à la paroisse. La famille Martin vit à Lyon depuis 13 générations, bien connue notamment à cause du Major Martin, de l’East India, qui légua à la ville de quoi ouvrir l’école de la Martinière, ainsi que par Christophe Martin, maire de Lyon de 1835 à 1840, avant d’être député. La famille vit à Irigny, au sud de Lyon, où elle est voisine des Grouès (Marguerite a 3 ans de plus que le futur abbé Pierre). Marguerite Martin reçoit une éducation soignée, agissant toujours avec délicatesse, selon sa devise « avant tout aimer et essayer de comprendre chacun ». Elle est très attachée à une foi familiale, présente jusqu’aux dernières heures de sa vie. Cultivée, indépendante, férue de lecture et peintre à ses heures, elle montre un grand besoin d’action sous une apparence frêle. Elle passera un Bac littéraire dès qu’il sera ouvert aux filles.

Pendant la première guerre mondiale, dès ses 16 ans, elle accompagne sa mère, infirmière volontaire pour la Croix-Rouge à l’hôpital de l’avenue Berthelot pour soigner les blessés…sans savoir que ce lieu sera plus tard le siège de la Gestapo où elle sera torturée…Fatiguée de cette forte activité, sa mère part se reposer à Divonne les Bains où elle décède subitement dans les bras de sa fille. Une complicité va s’instaurer entre père et fille ; une amie anglaise de sa mère l’appelait Daisy. Elle adoptera désormais ce prénom, auquel elle ajoutera Georges, par affection pour son père. Pour tous, elle sera désormais Daisy Georges Martin, prête à s’engager personnellement dans l’action…

Conseillée par les Jésuites, elle participe à la création de syndicats chrétiens féminins, avec de jeunes ouvrières, mais elle mesure vite l’ampleur de la question sociale et le faible impact d’une action locale. Tentée par la vie religieuse, elle comprend vite que la discipline d’un couvent n’est pas pour elle. Alors avec regret, elle laisse son père et sa vie d’avant et part à Paris en 1925 pour entreprendre des études d’assistante sociale, à l’École normale sociale qui la diplômera 2 ans après. Elle y rencontre sa Directrice, Andrée Butillard, qui l’intègre en 1930 dans l’équipe formatrice, et aussi à l’Union féminine sociale et civique (UFCS), qu’elle a fondée 5 ans auparavant ; l’association est agréée come mouvement d’éducation populaire, fondée pour soutenir les familles et leurs membres, les femmes notamment sans distinction, à travers des conseils, publications, collaboration avec toutes institutions utiles. L’économie y est présentée comme un élément de la stabilité sociale. De 1930 à1938, elle y sera secrétaire adjointe, chargée de l’extension du mouvement en province, avec mise en place de cadres locaux. Elle animera des sessions de formation, avec le soutien d’enseignants catholiques sociaux ou prêtres qualifiés dans les sujets à traiter. Elle participe à la rédaction de la revue « la femme dans la vie sociale », sans que ses articles soient signés, car l’anonymat est de règle. L’information ainsi distribuée concerne aussi les femmes d’autres pays, une vraie ouverture pour l’époque. Elle va s’y pencher sur le statut juridique de la femme mariée, qui n’aboutira que dans les années 1960.
Le travail des mères, au sein d’un collectif de sociologues, juristes, médecins, parlementaires, appuyé par Léon Doumergue, Président du Conseil ; cela aboutira en 1939 à la création de l’allocation de mère au foyer, dont la déclaration de guerre empêchera l’application…Mais les compétences qu’elle a développées seront mises au service du congrès international de l’UFCS en 1937 sur ce thème, la présence de l’Association à l’exposition universelle à Paris en 1937 où l’UFCS tient un stand. Ce gros effort de documentation sur la liberté pour la femme d’avoir un travail rémunéré, retiendra l’attention du BIT. En 1938, Daisy devient membre du Bureau National de Direction de l’Association, chargée du secrétariat central, ce qui lui occasionnera des voyages professionnels dans les comités locaux pour former, faire connaître l’Association. Elle sera chargée d’une commission pour la compréhension mutuelle des races et l’échange avec les conseillères municipales.

Mais la guerre s’intensifie, la débâcle disperse les familles, l’UFCS confie à Daisy l’organisation d’un foyer d’accueil pour le regroupement familial. Elle quitte Paris dans le dernier train avant l’occupation, le bureau de l’UFCS s’installe à Lyon ; d’abord repliée à Roanne, assistante sociale au service des réfugiés, elle va gérer en 1942 dans une maison prêtée par des amis à Saint Genis Laval un lieu de vacances brèves pour des familles de jeunes enfants. L’UFCS continue de militer pour des prêts facilitant l’installation des jeunes ménages, la possibilité d’une séparation de corps après 3 ans, l’autorité parentale partagée entre père et mère, la protection des personnes prostituées, le problème de l’alcoolisme…

En 1940, Daisy, assistante sociale au service des détenus politiques, prend contact avec l’opposition, la Résistance ; sous le pseudonyme de Marthe, elle entre en relation avec le mouvement Combat. Henri Jaboulay, membre important du mouvement relate : « Je revivrai toujours cette première vision de Marthe, avec son long manteau marron, son grand sac fourre-tout en tissu, une petite figure couperosée, menue, qui malgré son allure de suffragette, paraissait douce et effacée. Au premier abord, je doutais qu’elle puisse assurer un service plein de risques, où la résistance physique, la volonté, l’astuce, devaient être mises en jeu constamment, où il fallait improviser sans arrêt et sans erreur, car il y avait pour soi ou pour d’autres, le risque de mort constant. Après quelques minutes de conversation, je fus conquis…Comme elle, 30 des responsables de l’UFCS s’engagent dans la Résistance. En 1943, elle devient agent de liaison entre les mouvements de résistance, l’armée secrète, et l’organisation de la résistance armée. Elle fut secrétaire des Forces Françaises de l’intérieur, elle achemine des réfractaires au STO vers les filières du maquis, sans que rien ne transpire de ses activités. Elle se déplaçait au vu de tous avec son grand sac rouge où elle transportait les documents les plus confidentiels, partant du principe que ce qui est très évident est le moins suspect.
Elle sera arrêtée chez elle le 6 mars 1944 et emprisonnée au fort Montluc ; torturée, elle ne révèle rien, consciente que sa parole eut entrainé un désastre…La Gestapo la surnomme « mademoiselle je ne sais rien ». Elle se révèle un soutien pour ses compagnes de cellule, auxquelles elle ne laisse rien deviner de ses angoisses, apaisant les querelles nées de l’énervement, partageant ses colis, entrainant tout le monde dans une marche de plusieurs heures en chantant autour de la cellule (elle nomme cela aller à Honolulu, car elle affirme que la distance parcourue en cinq mois serait proche de celle qui nous en sépare…).
Elle a été transférée au Fort de Lorette, à Saint Genis Laval, où elle sera fusillée le20 août 1944 avec 120 de ses compagnons d’infortune, 2 semaines avant la libération de Lyon.

SOURCE : ce texte doit beaucoup au discours de Monsieur Bruno Permezel, prononcé au vernissage de l’exposition consacrée à sa parente le 30 avril 2019 à la Mairie d’Irigny.

Brigitte Lenoble-Correard