Aimée Novo est née le 3 septembre 1874, dans une famille de grands propriétaires terriens en Saône et Loire. Orpheline très jeune, elle est mise en pension à l’Institut Notre Dame de Nazareth, où elle fait ses études. Fortement engagée dans sa foi catholique, elle fonde, en octobre 1904, avec Andrée Butillard notamment et le soutien du prêtre jésuite Antonin Eymieu, un groupe de laïques consacrées qui deviendra, en 1917, la Congrégation Notre Dame du Travail puis, en 1949, l’Institut séculier Notre Dame du Travail.
Antonin Eymieu la met en contact avec Marie Louise Rochebillard qui organisait à Lyon des syndicats féminins catholiques. Dans le cadre de cette action syndicale, en 1904, Aimée Novo fait la rencontre d’Andrée Butillard, plus jeune qu’elle de sept ans. Rencontrant des divergences de fond avec Marie Louise Rochebillard, elles partent toutes les deux à Marseille en 1905 pour poursuivre, auprès de Félicie Boissard, fondatrice des syndicats de l’aiguille de Marseille et d’Aix en Provence, leur action de syndicalisation des femmes travaillant à domicile ou dans les entreprises textiles. Mais leur tentative connait un échec relatif et elles retournent en 1906 à Lyon pour quelques mois avant de repartir pour Voiron en octobre 1907. Dans cette ville, elles collaborent aux « syndicats libres » des ouvrières du tissage, de l’aiguille et de la ganterie auprès de Cécile Poncet et Solange Merceron-Vicat. Ces syndicats sont nés lors du violent conflit social qui opposa, en 1905, les ouvrières, soutenues par la CGT, au patronat du textile. Dans cette période d’octobre 1907 à février 1908, Aimée Novo fait un apprentissage syndical, passant par tous les services associés aux syndicats : service de placement, coopératives, cours pour apprentis et cours de perfectionnement ainsi que conférence de formation ou de propagande.
Aimée Novo et Andrée Butillard restent peu à Voiron où elles estiment leur mission terminée. Elles décident de s’installer à Paris ; début 1908, Aimée Novo part la première à Paris où elle loue deux chambres dans les locaux du Cours de Jeunes Filles de la rue Oudinot, fondé par Madeleine Daniélou. Au printemps 1908 Andrée Butillard, retardée par des problèmes de santé, la rejoint. Elles sont mises en contact, par Antonin Eymieu, avec le milieu des catholiques sociaux dont Albert de Mun. Sur les conseils du prêtre jésuite Gustave Desbucquois, fondateur de l’Action Populaire, Aimée Novo et Andrée Butillard vont s’installer dans le quartier de Plaisance au 38, rue Vercingétorix, où elles ont pour projet d’organiser syndicalement les ouvrières à domicile. Un secrétariat est ouvert au rez-de-chaussée du pavillon et deux chambres et une cuisine sont à l’étage. Dans ce quartier, une réunion de catholiques sociaux, à laquelle participa le curé de la paroisse Notre Dame du Travail, avait traité de la question du travail à domicile des femmes. Dans la lignée de l’encyclique Rerum Novarum, les catholiques sociaux se préoccupaient de créer des syndicats chrétiens. Aimée Novo comme Andrée Butillard se situent dans ce courant. De 1908 à 1911 leur activité débouche sur la création d’un syndicat des ouvrières à domicile dont le premier congrès se tient en juin 1911.
Aimée Nono participe avec Andrée Butillard aux Semaines Sociales de Saint-Etienne où est prise la décision de créer une école sociale catholique féminine. En novembre 1911, elles réalisent le souhait des Semaines Sociales en créant l’École Normale Sociale (ENS).
L’ENS est présentée comme un « centre féminin catholique d’enseignement théorique et pratique, de formation et documentation sociale » ; cette appellation sera maintenue jusqu’en 1931, à la veille de la création du diplôme d’assistante sociale en 1932. Les locaux sont prêtés par l’Institut Catholique pour les cours, les conférences et cercles d’études, ce qui donne à l’école un label de catholicité après la condamnation du Sillon en 1910. Le comité de patronage est large et regroupe essentiellement les divers courants du catholicisme social avec une dominance de la mouvance jésuite. La formation s’adresse à deux types d’élèves : les « promotrices » et les « propagandistes ». Les promotrices sont des « femmes libres de leur temps » dont il s’agit de développer l’esprit social et d’inciter à s’intégrer dans le soutien aux œuvres sociales et, surtout, aux syndicats catholiques. Les propagandistes sont des ouvrières « dévouées et compétentes » appelées à devenir les cadres des syndicats féminins. Pour les promotrices, la formation dure deux ans. Elle est structurée par un cercle d’étude hebdomadaire sur l’enseignement social de l’Église, deux cercles par mois consacrés à l’étude du « donné social » et des recherches personnelles avec enquêtes et visites auprès d’œuvres sociales. Un examen de passage se tient en fin de première année et la deuxième année se termine avec la rédaction d’une « thèse ». Pour les propagandistes, la formation varie en fonction de l’âge. Pour les plus jeunes il s’agit d’un enseignement professionnel et d’une journée mensuelle traitant de la doctrine sociale de l’Église et des questions sociales. Pour les ouvrières des sessions intensives allant d’un jour à une semaine sont organisées. Au cours des premières années le nombre d’élèves est assez restreint : pour les années scolaires 1911-1912, 1912-1913 et 1913-1914, on dénombre 110 propagandistes et 45 promotrices. La formation des promotrices est interrompue par la guerre tandis que celle des propagandistes se poursuit avec une augmentation régulière des effectifs passant de 18 en 1914-1915 à 88 en 1918-1919.
Aimée Novo avec l’équipe de l’ENS souhaite plus nettement formaliser le statut d’Eglise pour le groupe créé en 1904. Le projet est préparé par les deux fondatrices en lien avec le père Eymieu qui rédige, en 1916, les statuts de la congrégation nommée « Notre Dame du Travail » en référence à la paroisse où le groupe est implanté. Cette nouvelle congrégation est reconnue par les autorités ecclésiastiques en octobre 1917.
En 1919, l’ENS s’installe au 56 rue du docteur Blanche à Auteuil (16e arrondissement) dans une villa donnée par un industriel. La même année une association est créée pour donner un cadre juridique aux activités de l’école « Association Féminine pour l’Etude et l’Action Sociale » (AFEAS). Auparavant, en 1916, le père Joseph de Maistre avait confié à Aimée Novo la direction de l’œuvre du « Repos pour les jeunes parisiennes » créée en 1913 qui gère un préventorium à Beaumesnil dans l’Eure ainsi que des foyers et « restaurants du midi ». Andrée Butillard en devient secrétaire générale.
Dans les premières années qui suivent la fin de la guerre, l’ENS a toujours une forte activité de formation syndicale pour les syndicats féminins catholiques et une activité de formation aux carrières sociales qui commence à se développer. Ces deux activités se déroulent de manière de plus en plus autonome, bien que l’ensemble soit toujours groupé dans l’AFEAS. En 1926 cette association regroupe : l’École Normale Sociale, l’Union des Auxiliaires Sociales (l’UAS), les Cours complémentaires techniques, l’Entraide, Le Printemps. Cet ensemble recouvre :
- d’un côté les carrières sociales avec l’ENS qui forme les futures assistantes sociales et l’UAS qui regroupe les professionnelles sociales en exercice ;
- d’un autre coté les actions destinées aux ouvrières avec les Cours complémentaires techniques qui forment les apprenties, l’Entraide pour organiser le travail à domicile, et l’ «association Le Printemps pour la formation morale, sociale et religieuse des jeunes ouvrières ».
Dans cette période (en 1927) Aimée Novo et Andrée Butillard, « fondatrices de l’ENS », partagent encore la direction générale avec Mlle Charrat tandis que Mlles Rollet et Naegelen sont les directrices techniques. Mais ce sont les premiers temps de la séparation des rôles entre Aimée Novo et Andrée Butillard. Cette dernière fonde en 1925 l’Union Féminine Civique et Sociale (UFCS), dans laquelle elle s’investit de plus en plus, alors qu’Aimée Novo reste à la direction de l’ENS où elle sera remplacée en 1933 par Hélène Naegelen. Cependant, elle reste toujours présente à l’ENS qu’elle représente à la cinquième conférence internationale de service social réunie par l’Union Catholique Internationale des Services Sociaux, à Bruxelles en juillet 1935.
Dans les dix années qui suivent, Aimée Novo n’apparait plus dans les archives de l’ENS ; elle soutient les initiatives de la congrégation dans plusieurs régions de France et dans des colonies. Ce n’est qu’à partir de 1945 qu’elle réapparait dans les archives de l’ENS : elle en devient présidente du conseil d’administration, fonction qu’elle occupe jusqu’en 1962. Elle accompagne Andrée Butillard, alitée dans les locaux de l’ENS de noël 1954 jusqu’à son décès en juillet 1955. Elle décède le 31 novembre 1968 à l’âge de 94 ans.
SOURCES : Actes du centenaire de Notre Dame du Travail 1917-1967. — Thérèse Doneaud, Christian Guérin, Les femmes agissent, le monde change Paris, Éditions du Cerf, 2005. — Sylvie Fayet-Scribe, Associations féminines et catholicisme De la charité à l’action sociale XIXe-XXe siècle, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1990. — Henri Pascal, « Des syndicats féminins au service social : l’École Normale Sociale (1911-1969) », rapport de recherche CNRS/Université de Provence, Aix-en-Provence, 1983, 173 p. + annexes. — Christine Rater-Garcette, La professionnalisation du travail social Action sociale, syndicalisme, formation 1880-1920, Paris, L’Harmattan, 1996. — Henri Rollet, Andrée Butillard et le féminisme chrétien, Paris, SPES, 1960.
Henri Pascal