Née le 15 mai 1877, Berthe Milliard suit la formation pour être enseignante. Fortement  engagée  pour la scolarisation secondaire et supérieure des filles, engagée auprès de Léon Bourgeois, Berthe Milliard contribue à la création de la profession d’infirmières visiteuses, elle dirigera,  dans les années suivantes de la guerre, l’école des infirmières visiteuses du Comité national de lutte contre la tuberculose.

Née à Paris Bethe Milliard décède de tuberculose le 15 janvier 1924. Bien des années avant son amie Hélène Bourgeois, fille de Léon Bourgeois, décédait aussi de tuberculose à l’âge de 23 ans. Berthe Milliard va partager ce deuil avec le père d’Hélène ce qui va être déterminant pour elle.

Léon Bourgeois est un homme politique de grande renommée, qui assura les fonctions de préfet, puis de député avant d’être nommé ministre de l’intérieur. Ses convictions politiques, partagées par Berthe, contribuent à cimenter leur profonde affection filiale. La position de Léon Bourgeois sur l’échiquier politique sera un atout pour Berthe Milliard dans son parcours d’engagements. La lutte contre la tuberculose sera l’une de ses batailles.

L’enfance de Berthe Milliard se déroule dans le 5ème arrondissement. Sa famille vit modestement. Le père Paul-Emile est papetier, puis représentant de commerce. Malgré une santé fragile Berthe possède un tempérament déterminé et de réelles capacités intellectuelles.

Les études, et les premiers pas professionnels

Berthe Milliard suit de brillantes études au lycée Molière à Paris durant 6 ans. C’est là qu’elle se lie d’amitié avec Hélène Bourgeois. Depuis la loi Camille Sée de décembre 1880 les jeunes filles peuvent accéder à l’enseignement secondaire jusque-là réservé aux garçons. Voué à la formation intellectuelle des jeunes filles domiciliées dans l’Ouest parisien le lycée Molière devient progressivement un vecteur d’émancipation féminine. Cette période est déterminante pour Berthe qui prend goût aux choses intellectuelles. Elle dira que le lycée Molière lui a apporté ouverture d’esprit, sens de la justice, respect de soi, sens de la solidarité et goût de l’action utile.

Berthe veut être enseignante, malgré l’opposition familiale. Le diplôme de fin d’études obtenu et à l’issue d’une année préparatoire Berthe est admise au cours Sévigné, collège privé laïque dirigé par Mathilde Salomon, pour y préparer le concours d’entrée à l’école normale supérieure de Sèvres. Le cours Sévigné est un des premiers établissements secondaires ouvert aux jeunes filles dont l’enseignement équivaut à celui des lycées de garçons. Berthe fait partie des premières cohortes de filles qui accéderont aux études secondaires et supérieures à égalité avec les garçons. Sa famille ne pouvant la soutenir financièrement, il lui faut trouver des ressources. Tout en étudiant elle enseigne dans cet établissement.

Berthe Milliard réussit le concours d’entrée à l’école normale supérieure de jeunes filles de Sèvres en 1900 où elle prépare l’agrégation d’histoire. L’ENS de Sèvres a été créée à l’initiative de Camille Sée en 1881 en application de la loi sur l’enseignement secondaire des filles complétée par la loi instituant l’« École normale de professeurs-femmes ». Reçue en 1901 Berthe Milliard est nommée dans un lycée de jeunes filles à Brest qu’elle quitte rapidement pour revenir s’installer à Paris. Les raisons de cet abandon restent incertaines. Berthe continue d’enseigner à Paris où elle crée l’institut moderne, qu’elle dirige et où elle enseigne. Ce cours privé se situe avenue de la grande armée.

Les engagements

Tout au long de sa trajectoire Berthe Milliard défendra la cause des femmes au nom du droit et de la justice. Attachée à l’accès aux études secondaires pour les filles elle veut contribuer à sa promotion encore balbutiante. Elle y parvient grâce à sa détermination et les actions qu’elle mène.

Le Conseil supérieur de l’instruction publique

Le Conseil supérieur de l’instruction publique a un rôle consultatif sur tous les projets de texte et toutes les questions concernant l’enseignement. Berthe Milliard elle est l’une des quatre représentantes de l’enseignement libre aux côtés de Mathilde Salomon.

Les associations d’anciennes élèves des Lycées de jeunes filles

A la fin du XIXe siècle d’anciennes élèves des Lycées de jeunes filles fondent des associations pour échanger leurs idées sur les transformations en cours dans la société, et sur le rôle que pourraient jouer les femmes dans la vie intellectuelle, sociale, économique et politique de la France. L’association du lycée Molière fondée en 1899 est présidée un temps par Berthe Milliard. Cette association créera une société de secours mutuel1 reconnue d’utilité publique en mars 1912, puis agréée comme œuvre de bienfaisance en novembre 1927.

L’union Nationale des anciennes élèves des lycées de jeunes filles

En 1904 des Présidentes de ces différentes associations d’anciennes élèves de lycées forment le projet d’une Union nationale dans un double but : tisser un lien effectif utile entre elles, continuer l’éducation intellectuelle et morale des anciennes élèves ; venir en aide à celles qui devraient vivre de leur travail, afin de leur assurer des situations stables, honorables et suffisantes. Elles pensent aussi qu’une union nationale conforterait une audience plus importante auprès des Pouvoirs Publics dans leurs projets d’émancipation des femmes.

Berthe Milliard siège dans le comité d’études pour la création de cette union nationale au titre de l’association du lycée Molière. La première assemblée générale de l’Union des associations des anciennes élèves de lycées et collèges – dite l’union des « A » – se déroule en août 1904. L’union se fixe comme objets de travail la réforme de l’enseignement secondaire féminin et la création à Paris d’un foyer « La Maison familiale »2 .

Certaines jeunes filles qui viennent faire des études supérieures ont besoin d’une protection matérielle et morale qu’un foyer peut leur apporter. Sous l’impulsion de Berthe Milliard dès 1905 le Comité de l’Union œuvre à la réalisation de la maison familiale sous le patronage de Léon Bourgeois et du Ministre de l’Instruction Publique M. Martin. Ces parrainages confèrent une plus grande légitimité au projet qui nécessite de récolter des fonds. Le 1er octobre 1906 vingt jeunes filles intègrent un foyer provisoire. Le foyer définitif s’installera rue Amyot et sera inauguré le 18 juin 1911. « Un bâtiment de 4 étages, donnant sur les-jardins conventuels, était inauguré dans « une grande fête mondaine et de l’esprit »… où l’on remarquait M. Léon Bourgeois, M. Martin, M. Appell, M. le Député Desplas, Paul Crouzet et Mme, Mlle Milliard ». C’est également rue Amyot qu’avait été fondée en 1900 l’ADAM (Association d’aide aux malades), école laïque qui formait des gardes-malades à domicile à Paris, et particulièrement dans les foyers les plus pauvres. Les activités au domicile des bénéficiaires se développent.

Lors de l’Assem­blée générale de l’union de 1907 Léon Bourgeois salue l’œuvre de l’union : « La grandeur de l’enseignement républicain doit être connue de tous, comme doit l’être l’Union des Associations d’anciennes élèves ». Berthe Milliard quant à elle rappelle « l’ouverture d’esprit, le goût des choses intellectuelles, le culte de la vérité, le développement de l’esprit critique, la logique, la mesure, la formation morale que donne le Lycée qui s’ouvre ainsi sur l’extérieur pour apprendre le sens de la vie actuelle. Aux Associations d’anciennes élèves de prolonger cette orientation. »

Secrétaire de l’Union nationale Berthe Milliard assure un temps la rédaction du « bulletin », organe de liaison entre les « A » qui devient au cours des années une revue d’activité féminine. Elle y plaide l’égalité de l’enseignement des filles et des garçons, l’identité de formation et de titres pour les professeurs hommes et femmes. Le bulletin traite également des grandes questions pédagogiques. Afin d’inciter les jeunes filles à acquérir leur autonomie, les carrières offertes aux femmes y sont également présentées.

L’union revendique pour les jeunes filles le droit de faire les mêmes études que les garçons. Le Diplôme de fin d’études secondaires des filles créé en juillet 1882 n’est pas assimilé au Brevet Supérieur, ni au Baccalauréat à la différence des garçons. L’union sera à l’origine de la réforme de l’enseignement secondaire féminin en obtenant à force de persévérance que la préparation du Baccalauréat soit organisé dans les lycées de jeunes filles. Berthe Milliard est l’une des chevilles ouvrières de cette réforme. Dans cette logique elle organise à partir de 1913 à la Sorbonne des cours préparatoires à l’enseignement supérieur pour les jeunes filles.

Les œuvres sociales

Berthe Milliard souhaite favoriser l’accès aux études supérieures des filles parmi les plus démunies afin qu’elles puissent accéder à l’autonomie financière. Elle se soucie également des conditions de vie des étudiantes isolées venues étudier à Paris. Parallèlement à son activité au sein de l’Union, elle se consacre à une œuvre privée fondée en 1908 aux côté de Mesdames Estaunier et Desprez. « La petite famille », qui reçoit seize orphelines désargentées, apporte le soutien dont elles ont besoin pour assurer la réussite de leurs études.

Un autre engagement fort de Berthe Milliard concerne les orphelins de guerre qu’elle souhaite voir protégés par la loi. Une loi sera promulguée juillet 1917 en faveur des pupilles de la nation qui reprend plusieurs des propositions que Berthe Milliard a développé lors d’une conférence donnée au musée social en 1915 intitulée « La guerre et la tutelle des orphelins ».

Dès le début de la guerre Berthe Milliard contribue à l’effort de guerre en créant le 3 novembre, au 56 de la rue de Vaugirard, l’œuvre de « l’entraide sociale », ouvroir destiné aux épouses de mobilisés pour les aider à trouver un travail, et pour les enfants isolés un placement. L’ouvroir collabora avec « l’œuvre du Sou du lycée ». C’est à cette adresse que sera installée l’association des infirmières visiteuses qualifiées de France, que Berthe Milliard dirigera.

Attachée au principe de solidarité Berthe Milliard présente en 1922 un projet de constitution d’une société de secours mutuel pour les infirmières visiteuses afin d’organiser la protection sociale de la profession, qui sera complétée en 1923 par une association de prévoyance. Lors de l’assemblée générale elle est élue présidente au conseil de direction. Mais elle décède peu de temps après.

L’engagement politique

La mobilisation des hommes laisse inoccupés de nombreux emplois, dont les femmes vont s’emparer. La guerre entraîne leur déplacement vers des professions qui leur sont inhabituelles. L’enseignement dans les écoles de garçons se féminise. C’est ainsi que l’on retrouve Berthe Milliard au ministère des Finances et du Travail dans le gouvernement Ribot, au côté de Jeanne Tardy.

On retrouvera également Berthe Milliard dans le cadre son engagement contre la tuberculose à la direction de l’Hygiène et de l’Assistance aux côtés de M. Brisac qui arrêtera un plan de politique anti tuberculeuse qui porte son nom.

En 1916 une section d’études féminine, composée exclusivement de femmes est créée au musée social. Berthe Milliard, alors secrétaire personnelle de Léon Bourgeois s’y investit.

La lutte contre la tuberculose

Atteinte elle-même par la tuberculose, maladie qui lui a fait perdre une amie chère, Berthe Milliard va se consacrer à la lutte contre cette affection. Elle suggère à Léon Bourgeois la création d’une école d’infirmières visiteuses. A partir de 1914 Berthe contribue à sa création sous forme d’association, l’association des infirmières visiteuses (LAIV). Elle sera soutenue par des personnalités telles que la marquise de Ganay, Mme Alphen-Salvador, Marie Diemer ou Renée de Montmort. L’école des infirmières-visiteuses ouvre en 1915 à l’Hôpital Laënnec de Paris. LAIV veut développer une politique sociale de prévention de la tuberculose et de la mortalité infantile sur tout le territoire national. Peuvent faire partie de l’Œuvre, toutes les infirmières, religieuses ou laïques, pourvues d’un diplôme de la « Croix-Rouge » ou d’une école reconnue par l’association. Il leur est demandé de consacrer un certain temps par semaine aux soins des malades pauvres, et à l’enseignement de la prophylaxie antituberculeuse. Ces infirmières possèdent déjà toutes une solide instruction professionnelle, les cours organisés complètent leurs connaissances par l’enseignement de spécialisation antituberculeuse et un programme d’hygiène infantile. Léon Bourgeois présidera le « comité de patronage » de l’association. Le professeur Léon Bernard écrira à propos de Berthe Milliard « L’école des infirmières visiteuses demeurera la grande œuvre de sa vie ».

A la tête de l’Association se trouve un comité directeur présidé la marquise de Ganay secondée par Mlle Chaptal. La plupart des adhérentes de l’association représentent une école d’infirmières ou un groupement d’infirmières. Le Comité d’honneur est composé d’éminentes personnalités médicales.

Entre 1916 et 1924, Berthe Milliard assure l’installation matérielle de l’école et sa direction pédagogique. En 1916, l’école et un foyer s’installent rue Jacob, à Paris grâce à une collecte de fonds organisée par le comité central. L’exiguïté des locaux contraint à déménager l’établissement en 1919 au 250 boulevard Raspail. Berthe Milliard a travaillé au projet d’acquisition des locaux, et un foyer de 40 places est ouvert. L’école devient le 22 décembre 1919 École du Comité National de défense contre la tuberculose présidé par Léon Bourgeois. Ce comité a pour objectifs de favoriser et subventionner la création d’organismes de lutte anti tuberculose sur tout le territoire. Au sein du comité se mettent en place des commissions dont celle de l’enseignement à laquelle Berthe Milliard participe activement. La formation des infirmières est alors portée à 2 années. Ces professionnelles de la lutte anti-tuberculose sont réparties dans les dispensaires d’hygiène sociale devenus obligatoires depuis la loi Bourgeois de 1916.

En effet en juillet 1913 Léon Bourgeois, président de la Commission permanente de préservation de la tuberculose créée en 1903 au ministère de l’Intérieur, avait déposé au Sénat une proposition de loi tendant à instituer des dispensaires d’hygiène sociale et de préservation antituberculeuse. Cela aboutira à la loi de 1916 qui porte son nom.

Les visiteuses ou monitrices d’hygiène des comités départementaux surveillent à domicile les prescriptions du médecin, l’observance des règles d’hygiène et la salubrité du logis. La Première Guerre mondiale a représenté un tournant majeur dans la lutte contre la tuberculose en France. La lutte contre cette épidémie s’articule à plusieurs niveaux d’interventions (municipal, départemental et national), de collaboration ministérielle (Intérieur, Guerre), de traitement (hôpitaux, dispensaires, sanatoriums). Maladie sociale, à causes sociales, la tuberculose a trouvé son statut prophylactique dans l’hygiène sociale, entendue comme « une synthèse de la médecine préventive et de l’assistance préventive ». Mais le métier d’infirmière visiteuse s’est heurté à des résistances du corps des médecins. Au sein de la politique étatique de prévention l’idée qui prédomine à cette époque consiste à dire : « Au médecin la maladie, à l’infirmière les malades ». Les infirmières visiteuses ont du trouver leur place dans les dispensaires. C’est par la ténacité de pionnières pour faire reconnaître la profession que ce métier a pu s’imposer. Berthe Milliard a participé à cette reconnaissance. Elle peut-être considérée comme fondatrice du service médico-social en France.

C’est une époque charnière où l’on assiste à une professionnalisation qui se substitue aux bonnes œuvres qui avaient cours jusque là. La création des infirmières visiteuses répond à l’urgence de la lutte contre la tuberculose.

La littérature concernant Berthe Milliard est lacunaire. Peu d’archives retracent son parcours, ses activités pourtant multiples et déterminantes pour l’évolution de la condition des femmes (accès aux études supérieures), le bien être individuel, ou encore le métier d’infirmières visiteuses et sa reconnaissance. C’est à travers les archives institutionnelles, ou associatives que l’on parvient à cerner l’ensemble de son œuvre. Berthe Milliard semble avoir choisi l’ombre plutôt que la lumière pour faire aboutir ses projets avec beaucoup de détermination.

SOURCES : Françoise Blum, Janet Horne, « La section d’études féminines du musée social, 1916-1939 », Vie sociale, août-septembre 1988, p. 313-362 – Évelyne Diebolt, « Les femmes engagées dans le monde associatif et la naissance de l’Etat-providence », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 53, 1999, Protection et politiques sociales en Europe, p. 13-26 ; – Suzanne Girard-Boyer, « Berthe Milliard », Vie sociale  3-4 1993 p. 11-23.

Dany Bocquet