Hélène Viallatte fait ses études à Grenoble et passe régulièrement ses vacances en Angleterre. Ayant obtenu le diplôme de fin d’études secondaire, elle prépare une licence d’anglais à la Sorbonne pour devenir professeur.
En 1919 elle a 23 ans quand elle entend parler de l’École des Surintendantes d’Usines et de Services Sociaux inspirée du modèle britannique des « Ladies Superintendants », introduite récemment en France par Cécile Brunschvicg qui participe à la création de cette école. Bien que rien ne la prépare à un travail en usine, Hélène découvre sa vocation sociale, elle renonce à ses études d’anglais et s’inscrit avec enthousiasme dans cette nouvelle voie. Une formation théorique, mais aussi pragmatique dans plusieurs domaines, la dirige vers des stages dans les logements ouvriers. Émue devant leur grande pauvreté et leur dénuement aggravés en cette période d’après-guerre (1914-1918), elle écrit dans un rapport : « le moyen unique et primordial pour travailler à l’éducation de l’ouvrier et lui venir en aide efficacement est d’abord de lui donner un logement sain ». En 1920, Hélène est diplômée, elle a 24 ans et s’engage à exercer, en pionnière, un métier difficile, précurseur de ce qui s’appellera, des dizaines d’années plus tard, la gestion des ressources humaines.
En 1928, elle rencontre l’écrivain Alexandre Vialatte qu’elle épouse en 1929. Romancier, Alexandre Vialatte (1901-1971) est également un chroniqueur et journaliste connu. Ils ont un fils, Pierre, l’année suivante. Pour compenser les séparations constantes dues à leurs vies mouvementées, ils s’écrivent 2 800 lettres en 34 ans.
1920-1933 : création du service social aux Usines Michelin
La première mission qui lui est confiée est la création du service social aux Usines Michelin, à Clermont-Ferrand. Lorsqu’elle prend ses nouvelles responsabilités, l’amélioration des conditions de travail dans les usines est à ses débuts. Le taylorisme, course au rendement, est en plein essor. Une seule directive est donnée à Hélène : « Tout ce qui regarde les femmes doit vous passer par les mains ». Hélène organise la création d’une crèche, « la pouponnière Michelin », des stages pour les futures mères, le règlement des congés de couches, une garderie pouvant accueillir 60 enfants. Elle attache autant d’importance à la culture et à l’éducation, estimant que son rôle est aussi « dans la surveillance aussi suivie que possible de la santé, du travail et de la tenue des ouvrières ».
1933-1939 : directrice de l’Ecole des Surintendantes d’Usines et de Services sociaux
En 1933, Hélène quitte Michelin, sollicitée par Cécile Brunschvicg qui lui propose d’assurer la direction de la nouvelle École des Surintendantes d’usines et Services sociaux. C’est une promotion importante. Tout en assurant la marche de l’École qui prend de l’ampleur, Hélène fait des conférences, écrit des articles, publie des rapports dans des revues spécialisées.
« L’acte de créer des écoles pour celles qui allaient s’investir dans le travail social constituait une rupture avec les valeurs de l’époque. Il n’est plus question de sentiment, de dévouement ou de compassion. Il suppose des savoirs aussi bien théoriques que pratiques, fondamentaux et méthodologiques. À l’école des surintendantes d’usines, l’enseignement y est à la fois théorique et pratique, il s’agit d’une formation à l’action ».
Le 3 septembre 1939, la seconde guerre mondiale est déclarée. L’École fonctionne au ralenti et Hélène, remplacée par son amie Jeanne Sivadon, cherche un poste actif en province.
1939-1941 : les ministères pour lesquels elle met en place et assure la marche des services sociaux
Pressentie pour organiser le service social de la Société Nationale Aéronautique du Midi, elle refuse et accepte son affectation au Ministère de l’Armement.
Nommée Chef de district pour les services sociaux des usines de guerre de la Haute-Garonne, elle rejoint la Poudrerie Nationale à Toulouse, poste plus stable et adapté à la vie familiale.
Engagée pour la durée de la guerre, elle décrit, dans une lettre à son mari, les premiers jours de son arrivée avec le projet de « quatre usines à mettre en train pour le service social, l’installation des crèches, des cantines, des infirmeries, à des lieues de distance les unes des autres ». Dans une autre lettre du 15 février 1940 elle présente son projet pour les enfants :
« Le restaurant a du succès, je cherche à faire une grande maison d’accueil pour les enfants trop seuls ».
Quelques mois plus tard, dans sa communication des 20 et 28 février 1940 retrouvée dans les archives de Pierre Vialatte, Hélène expose la méthode autonome de son service : « Partant presque de zéro pour un fonctionnement intense et immédiat régi par aucune loi d’État ni aucun règlement administratif et qui précisément s’éloigne du caractère abstrait et général de la loi pour revenir à la complexité délicate du cas particulier ».
1941-1952 : conseillère technique du Service central des Œuvres de la Marine pour le service social.
Le 1er janvier 1941 un autre changement important intervient dans sa carrière. Elle est engagée comme conseillère technique du Service central des Œuvres de la Marine dirigé par l’Amiral Gensoul, et reçoit le Contrat d’embauchage qui la lie au Secrétariat d’Etat à la Marine pour le service social.
Inspectrice des Assistantes sociales, elle met en route les programmes concernant le service social à l’hôpital, la protection maternelle et infantile, les colonies de vacances, la création de Foyers, de bibliothèques, activités et enseignements divers. Elle est en déplacements constants jusqu’en décembre 1948, notamment dans les ports en France libre ou occupée, en Afrique du Nord, au Maroc.
Considérant en tout premier lieu la culture personnelle, elle concrétise et innove, en 1942, son intérêt pour le classement dans la création d’un bureau de documentation spécialisé dans l’étude des méthodes de travail des Assistantes et d’organisation des Secrétariats sociaux.
1952-1962 : assistante-chef à L’Action Sociale des Forces Armées à Paris. Ministère de la Défense
Quant elle prend le poste d’assistance chef de l’Action Sociale des Forces Armées Hélène a 56 ans. Elle y retrouve Jeanne Sivadon qui y est inspectrice. A ce moment, les premiers symptômes de la maladie apparaissent. Opérée d’un cancer du sein, elle entre en convalescence dans une maison de repos à Briançon jusqu’en décembre 1953.Malgré les rechutes, elle garde ses facultés innovatrices et travaille normalement dans les périodes d’accalmie. Elle est décorée de la Légion d’Honneur le 13 février 1954.
Les 3 et 4 août 1956 elle part à Munich pour faire une conférence au Comité International des Ecoles de Service Social : « En conclusion de cet exposé il apparaît que le service social du travail en France a pris une place importante dans la vie des entreprises, qu’il évolue dans son organisation et ses réalisations vers une formule de coopération étroite avec tous les éléments de l’entreprise » déclare-t-elle. Quelques mois plus tard, le 26 février 1957, toujours à Munich, dans un exposé à l’Action Sociale des Forces Armées, Fédération des Travailleurs Sociaux, Hélène insiste sur les moyens à utiliser pour « travailler mieux en qualité et en rapidité sur les objectifs précis de perfectionnement. En tout premier lieu la culture personnelle, le perfectionnement des techniques professionnelles du secrétariat et de la documentation pour résoudre les problèmes d’organisation et de coordination qui sont à la base de la bonne économie de notre temps ».
Le 14 juin 1962 Hélène donne son dernier cours. Le 19 novembre, elle est hospitalisée au Val de Grâce. Figure de l’engagement social, elle décède le 2 décembre 1962 à l’âge de 66 ans, après « Une vie riche, voulue et acceptée ».
SOURCES : VISSOUZE-de HAVEN Inès Vissouze de Haven, Hélène Vialatte 1896-1962. Une femme active au cœur du XXe siècle, Edité par l’Association des amis d’Alexandre Vialatte, 2018 – Un foyer épistolaire. Correspondance Alexandre-Hélène Vialatte. 1928-1962. (2 volumes).- Edité par l’Association des Amis d’Alexandre Vialatte, Paris 2011. (N.B. Dans cette correspondance, Hélène révèle un véritable talent d’écrivaine) – L’embauche et le travail qui en dérive pour une surintendante par Mme Vialatte, surintendante à l’usine Michelin. Bulletin de l’Association des Surintendantes d’usines et de services sociaux, Assemblée générale, Paris, 28 février 1933 – Toulotte S. Le service social à l’épreuve de l’entreprise : les formes contemporaines d’exercice du métier. Sociologie. Université de Lorraine, 2016. Français. NNT : 2016LORR0220
Inès Vissouze de Haven