Née le 29 août 1881 à Uchizy (Saône et Loire), décédée le 21 juillet 1955 à Paris ; promotrice du syndicalisme chrétien féminin, cofondatrice de l’École normale sociale (1911) et de l’Union catholique internationale de service social (1923), fondatrice et présidente de l’Union féminine civique et sociale (1925-1955).

Émilie Octavie Andrée Butillard est née le 29 août 1881 à Uchizy (Saône et Loire), dernière née de neuf enfants dont six morts en bas âge. Son père Jean Baptiste Butillard, âgé de quarante-cinq ans, est un propriétaire terrien producteur viticole et producteur laitier, sa mère Claudine Litaudon, âgée de quarante-et-un ans, est mentionnée comme « propriétaire ». La famille est catholique et très pratiquante. À la mort de son père en 1893, elle est mise en pensionnat chez les dominicaines à Chalon-sur-Saône. Deux ans après, une épidémie de typhoïde frappe le pensionnat, Andrée est atteinte par la maladie et sa mère en meurt. Avec sa sœur ainée Émilie Butillard, désignée comme sa tutrice, elle s’installe à Lyon et elle est mise en pension à l’Institut Notre Dame de Nazareth, dont le jésuite Antonin Eymieu est le directeur spirituel.

C’est à partir de cet institut qu’elle commence à approfondir sa foi catholique en participant en 1901, avec d’autres élèves de Notre Dame de Nazareth, aux cours féminins de la Faculté catholique. Elle y rencontre Marie-Louise Rochebillard qui avait fondé en 1899 des cours de formation professionnelle pour les jeunes filles et deux syndicats féminins catholiques : celui des employées du commerce et celui des ouvrières du textile. Assez rapidement, Andrée Butillard devient la secrétaire du mouvement qui édite un bulletin, Travail de la femme et de la jeune fille, tandis qu’Antonin Eymieu en est le conseiller. Au cours d’une retraite, elle rencontre Aimée Novo, également élève à l’Institut Notre Dame de Nazareth. Un petit groupe de jeunes filles, dont Andrée Butillard et Aimée Novo, est constitué, en 1904, par Antonin Eymieu dans l’objectif de se lancer dans l’action syndicale féminine, sur le modèle impulsé par Marie-Louise Rochebillard. À la suite d’un conflit avec cette dernière sur les modalités d’organisation, Andrée Butillard et Aimée Novo s’installent, en 1905, à Marseille, et militent auprès de Félicie Boissard, fondatrice des syndicats de l’aiguille de Marseille et d’Aix-en-Provence. Au bout de quelques mois, Andrée Butillard, malade, retourne à Lyon où, en septembre, elle tente, sans succès, de travailler à nouveau aux cotés de Marie-Louise Rochebillard. Après un passage de quelques mois, avec Aimée Novo, à Voiron auprès de Mlles Poncet et Merceron-Vicat, organisatrices des syndicats des ouvrières du textile, Andrée Butillard, au printemps 1908, rejoint à Paris Aimée Novo qui avait quitté Grenoble. Mise en contact par Antonin Eymieu avec le milieu des catholiques sociaux, elles vont, sur les conseils du père Desbuquois, s’installer dans le quartier de Plaisance au 38 rue Vercingétorix, où elles ont pour projet d’organiser syndicalement les ouvrières à domicile. Un secrétariat est ouvert au rez-de-chaussée du pavillon ; deux chambres et une cuisine sont à l’étage. Ainsi, de 1908 à 1911, leur activité débouche sur la création d’un syndicat des ouvrières à domicile dont le premier congrès se tient en juin 1911.

En cette même année 1911 se tient à Saint-Étienne, au cours de l’été, la huitième session des Semaines sociales auxquelles participent Andrée Butillard et Aimée Novo. Le thème du travail féminin y est largement abordé, notamment dans le discours de l’abbé Thellier de Poncheville : « la préparation sociale de la femme ». La session se termine par l’adoption du souhait de création d’une école sociale féminine. En novembre Andrée Butillard et Aimée Novo réalisent le souhait des Semaines sociales en créant l’École normale sociale (ENS). Elle se présente comme un « centre féminin catholique d’enseignement théorique et pratique, de formation et documentation sociale » ; cette appellation sera maintenue jusqu’en 1931, à la veille de la création du diplôme d’assistante sociale en 1932. Les locaux pour les cours sont prêtés par l’Institut catholique, ce qui donne à l’ENS un label de catholicité après la condamnation du Sillon en 1910. Le comité de patronage est large et regroupe essentiellement les divers courants du catholicisme social avec une dominante de la mouvance jésuite. La formation s’adresse à deux types d’élèves : les « promotrices » et les « propagandistes ». Les promotrices sont des « femmes libres de leur temps » dont il s’agit de développer l’esprit social et d’inciter à s’intégrer dans le soutien aux oeuvres sociales et, surtout, aux syndicats catholiques. Les propagandistes sont des ouvrières « dévouées et compétentes » appelées à devenir les cadres des syndicats féminins. Pour les promotrices la formation dure deux ans structurée par un cercle d’étude hebdomadaire sur l’enseignement social de l’Église, deux cercles par mois consacrés à l’étude du « donné social » et des recherches personnelles avec enquêtes et visites auprès d’œuvres sociales. Un examen de passage se tient en fin de première année et la deuxième année se termine avec la rédaction d’une « thèse ». Pour les propagandistes la formation est fonction de l’âge. Pour les plus jeunes il s’agit d’un enseignement professionnel et d’une journée mensuelle traitant de la doctrine sociale de l’Église et des questions sociales. Pour les ouvrières il s’agit de sessions intensives allant d’un jour à une semaine. Au cours des premières années le nombre d’élèves est assez restreint : pour les années scolaires 1911-1912, 1912-1913 et 1913-1914, on dénombre 110 propagandistes et 45 promotrices. La formation des promotrices est interrompue par la guerre tandis que celle des propagandistes se poursuit avec une augmentation régulière des effectifs passant de 18 en 1914-1915 à 88 en 1918-1919.

Parallèlement à la création de l’École normale sociale, l’activité principale d’Andrée Butillard est la création de syndicats catholiques féminins. Sont créés successivement entre 1912 et 1913 un syndicat des ouvrières à domicile, un syndicat des employées de la banque, du commerce et de l’industrie et un syndicat des ouvrières de l’aiguille en atelier, ces trois syndicats ont leur siège 38 rue de Vercingétorix. En 1913 Andrée Butillard organise, dans la maison familiale d’Uchizy (Saône et Loire) une première semaine syndicale où alternent cours et cercles d’étude. A partir de cette date, jusqu’en 1922, se tiendra, chaque année en des lieux divers, une « semaine » syndicale ». Après diverses unifications des syndicats catholiques féminins, tous intègrent la CFTC (Confédération Française des Syndicats Chrétiens) fondée les 1er et 2 décembre 1919. De là un passage progressif des activités syndicales (notamment la formation) de l’ENS à la CFTC.

Le petit groupe de jeunes filles catholiques engagées dans la création des syndicats féminins créés en 1904 par Antonin Eymieu a continué à exister. En 1917 ce groupe, dont font partie Andrée Butillard et Aimée Novo, est constitué, par le même Antonin Eymieu qui en a rédigé les règles, en congrégation proche des jésuites, sous le nom de « Notre Dame du Travail », nom qui est celui de la paroisse de Plaisance où Andrée Butillard et Aimée Novo ont créé leurs premiers syndicats. Reconnu par l’Église catholique il deviendra l’Institut séculier Notre Dame du Travail.

Après la guerre une dernière semaine syndicale se tient dans la propriété familiale d’Uchizy, Andrée Butillard investit l’ENS, l’école s’installe 56 rue du Docteur Blanche dans le 16e arrondissement de Paris, dans une villa donnée par un industriel Émile Dognin. La formation des « promotrices » commence à se développer supplantant petit à petit celle des « propagandistes ». En 1923 Andrée Butillard participe à la fondation de l’Union catholique internationale de service social (UCISS). Puis, progressivement, elle s’investit dans l’action sociale féminine alors qu’Aimée Novo devient la directrice de l’ENS. Dès 1921 elle prend en main, comme secrétaire générale, l’œuvre du Repos pour les jeunes parisiennes, dirigée par le jésuite de Maistre. Cette œuvre comportait des restaurants et foyers féminins 25 rue de Valois et 35 boulevard des Capucines à Paris et une maison de repos à Beaumesnil dans l’Eure. En 1925 c’est le tournant important avec la création de l’Union féminine civique et sociale (UFCS). L’UFCS a pour but de rassembler les femmes de tout milieu en vue de rechercher les causes des injustices sociales, d’étudier leur solution à la lumière de la doctrine sociale de l’Église et de susciter ou soutenir les réalisations sociales allant dans ce sens. Le siège social de la nouvelle association est au 25 rue de Valois, où Andrée Butillard s’installe abandonnant son logement au local de l’ENS rue du Docteur Blanche. Une dernière fois, en 1928, à la Conférence internationale de service social, elle prend la parole au nom du comité directeur de l’École normale sociale. Dans son discours elle développe une vision de l’école sociale comme le pilier de la mobilisation large des femmes dans l’action sociale et pas seulement comme la dispensatrice d’une formation professionnelle aux carrières sociales.

Dans les trente ans qui vont de la fondation de l’UFCS en 1925 à sa mort en 1955, Andrée Butillard est totalement investie dans l’activité de l’association qu’elle a fondée et dont elle a assuré la présidence jusqu’à sa mort. Avec le fil conducteur de la défense de la mère de famille, elle multiplie les initiatives diverses dont certaines deviendront des associations indépendantes de l’UFCS comme l’École des parents fondée en 1930, la Ligue des mères au foyer fondée en 1931. Sous l’Occupation, elle participe au Centre national de coordination (qui deviendra l’Union nationale des associations familiales) et met en garde les adhérentes de l’UFCS contre l’idéologie nazie. En 1948 elle est faite, par décret en date du 27 août, chevalier de la Légion d’honneur à l’âge de soixante-sept ans. Mais, pour elle, l’heure de la retraite n’a pas sonné, elle continue à diriger l’UFCS. À Noël 1954, elle tombe gravement malade alors qu’elle se trouvait à l’ENS ; elle reste alitée dans les locaux de l’école et y meurt le 21 juillet 1955, dans une période où Aimée Novo préside le conseil d’administration de l’école.

SOURCES : Thérèse Doneaud, Christian Guérin, Les femmes agissent, le monde change, Paris Editions du Cerf, coll. « Histoire », 2005. – Sylvie Fayet-Scribe, Associations féminines et catholicisme De la charité à l’action sociale XIXe-XXe siècle, Paris, Les Éditions ouvrières, 1990. – Henri Pascal, « Des syndicats féminins au service social : l’École Normale Sociale (1911-1969) », rapport de recherche CNRS/Université de Provence Aix-en-Provence, 1983, 173 p. + annexes. – Christine Rater-Garcett, La professionnalisation du travail social Action sociale, syndicalisme, formation 1880-1920, Paris, L’Harmattan, coll. « Technologie de l’action sociale », 1996. – Henri Rollet, Andrée Butillard et le féminisme chrétien, Paris, SPES, 1960. – extrait de naissance mairie d’Uchizy état-civil et avis de décès d’un membre de la légion d’honneur émis par la Préfecture de la Seine. – Dossier Femmes légion d’honneur.

Henri Pascal