Olga Spitzer a largement contribué au développement de la protection de l’enfance. Outre son soutien à diverses œuvres, elle a été la fondatrice, en 1923, de l’association « Service social de l’enfance en danger moral ». Cette association a profondément marqué les politiques de protection de l’enfance qui suivront sa création.
Née à Paris le 5 novembre 1882, Olga Spitzer est la fille de William Wolfsohn et Fanny Loewi Wolfsohn. Elle épouse Antoine Spitzer, elle a eu deux enfants : François Spitzer et Elisabeth Louise Spitzer. Ses proches (père, époux) travaillent dans la finance internationale.
Issue d’une bourgeoisie cultivée et polyglotte, Olga Spitzer fera bénéficier le service social de l’enfance en danger moral (SSEDM) pendant plus de 20 ans, d’un considérable soutien financier lié à la fortune de son mari, avant que l’Etat ne devienne le pourvoyeur principal de l’institution. Mais son rôle ne se limitera pas à cet aspect financier ; elle défendra la cause de l’enfance en danger moral dans de multiples organismes.
Ainsi après avoir apporté, en 1912, une importante contribution au patronage de l’enfance et de l’adolescence fondé antérieurement par le juge Henri Rollet (1860-1934) ; ce dernier fut le premier magistrat pour enfant au tribunal de la Seine. Quand le juge Henri Rollet la sollicite afin de construire l’Association, elle est déjà̀, ainsi que son mari Arthur Spitzer banquier, bien connue pour sa participation large et active à des œuvres concernant l’enfance, comme la Fondation Louis KOPPE qui héberge les mères seules avec enfants pour éviter le placement de ceux-ci, ou encore le Patronage de l’enfance et de l’adolescence et d’autres. Olga Spitzer et plusieurs autres personnalités associées, comme Chloé OWINGS (1883-1967)*, assistante sociale américainequi a contribué, avec Henri Rollet et Olga Spitzer, à la mise en œuvre de la loi de 1912 relative aux tribunaux pour enfants et adolescent dans le département de la Seine, Paul Fauconnet, Hélène Landry-Campinchi, Théodore Simon, deviennent, en 1923, bienfaitrices d’une association prototypique, le service social de l’enfance en danger moral (SSEDM), près du tribunal pour enfants et adolescents (TEA) de la Seine. Henri Rollet a joué un rôle déterminant dans la mise en place de l’association, dont il assurera la présidence jusqu’à sa mort en 1934. Depuis sa création, l’Association a conjugué l’approche judiciaire et l’approche préventive ou thérapeutique : dans les années 1920 elle développait les techniques de l’enquête sociale, forgeait les principes de ce qui deviendra l’Assistance éducative, inventait une approche multidisciplinaire de l’enfant et de son environnement, en organisant un service social de l’enfance, un accueil de l’enfant pour une observation en internat, des consultations médicales, psychologiques, psychiatriques et d’orientation professionnelle.
Reconnue d’utilité publique en 1928, la SSEDM a pour but, selon ses statuts, de « concourir à la protection des enfants, des adolescents et des jeunes majeurs, qu’ils soient en danger dans leur milieu ou perturbés sur le plan psychologique, ainsi qu’à la réinsertion de ces jeunes dans leurs familles et dans leur environnement ». En 1928, environ 3 000 enfants ont été suivis, soit qu’ils aient fait l’objet de plainte de leurs parents au titre de la correction paternelle, soit qu’ils aient été maltraités par leurs parents menacés du retrait de la puissance paternelle, soit qu’il s’agisse d’enfants délinquants de moins de 13 ans.
La volonté d’Olga Spitzer et de ses associés est de confier cette activité aux assistantes de service social dont le diplôme est alors en voie de reconnaissance (1932). La SDEM sollicite les compétences de Marie-Thérèse Vieillot* pour diriger le service. Olga Spitzer apporte au SSEDM un appui considérable, faisant don à l’Association de biens immobiliers, et la soutenant financièrement. Intelligente, cultivée, ayant des relations dans les milieux politiques, juridiques et médicaux, Olga Spitzer s’intéresse avec dynamisme au développement de cette œuvre en s’inspirant des expériences étrangères rencontrées au cours de ses voyages. Elle est très à l’écoute non seulement des besoins des enfants, mais aussi de ceux du personnel social du SSEDM. Elle n’a jamais voulu assumer la présidence de l’Association, préférant la voir confiée à des personnalités éminentes et compétentes, demeurant elle-même secrétaire générale. Elle a accompagné les différentes étapes de son évolution et de son développement avec une persévérante énergie, réclamant que l’État et les autorités publiques assument leurs responsabilités en la matière, ce qui n’adviendra qu’après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, son histoire témoigne de la construction du secteur social et médico-social et des évolutions des problématiques sociales. Elle a montré un véritable engagement de transmission aux générations suivantes.
L’association Olga Spitzer… Permanence et mouvement
Dès son origine, l’Association Olga Spitzer articule son action autour du soin, de l’éducatif et du pédagogique car elle soutient le lien entre expression comportementale et manquement éducatif. Son histoire témoigne ainsi de la construction du secteur social et médico-social et des évolutions des problématiques sociales. Les fondateurs de l’Association Olga Spitzer ont montré un véritable engagement de transmission aux générations suivantes. Cette association a accompagné l’institutionnalisation de la protection judiciaire de l’enfant ainsi que l’institutionnalisation du secteur médico-social.
Outre son soutien financier du SSEDM, Olga Spitzer va soutenir en 1929 le Centre d’Observation de Soulins, maison d’observation et d’orientation qui accueillait en internat mixte de petits groupes d’enfants de 6 à 13 ans. Ce foyer a déménagé en 1967. Celui-ci deviendra l’Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) du Petit Sénart à Tigery (Essone).
Ainsi, cette association a accompagné l’institutionnalisation de la protection judiciaire de l’enfant ainsi que l’institutionnalisation du secteur médico-social.
Rappel des principales lois qu’ils ont lancées
Deux lois furent inspirées par Henri Rollet : la loi du 24 juillet 1889 qui permet de séparer l’enfant de ses parents, lorsque ces derniers sont reconnus « indignes » ; la loi du 22 juillet 1912 qui fixe l’âge de la responsabilité pénale à treize ans et décida la création des tribunaux pour enfants. La loi de 1912 a créé les premiers tribunaux pour enfants ainsi que l’enquête sociale.
En 1935, L’Association a contribué à la rédaction des décrets-lois instituant la notion d’assistance éducative sociale. En 1945 l’ordonnance relative à l’enfance délinquante place le juge des enfants comme le personnage central d’une politique de protection des mineurs. Elle consacre l’irresponsabilité pénale du mineur, décide que le mineur ne sera justiciable que de tribunaux pour enfants, insiste sur la nécessité de connaître sa personnalité, ses conditions de vie et d’éducation, et renforce l’enquête sociale. En 1968, elle crée le foyer dit « les Fougères». Depuis 1968, l’Association étend son action et diversifie ses modes d’intervention Par exemple, l’Association Olga SPITZER a développé l’Espace Famille Médiation, puis la Maison des Liens Familiaux, qui proposent aux familles ces différents dispositifs, ainsi que diverses ressources autour du lien familial.
Pour conclure, Olga Spitzer, décédée en 1971, a eu un rôle représentatif de la position des philanthropes républicains du début du XXe siècle dans lequel s’inscrit un courant de la philanthropie juive. Il s’agit de contribuer à l’édification d’un Etat « social et prévoyant » où, suivant la doctrine solidariste, la part prise par les associations, les œuvres et les professionnels qualifiés est considérée prépondérante. C’est dans ce contexte sociopolitique qu’Olga Spitzer tient à la fois un rôle d’instigatrice, de mécène et de défenseure de la cause des enfants (victimes, difficiles ou délinquants) en exerçant son influence auprès de personnalités gouvernementales.
Brigitte Bouquet et Michèle Becquemin octobre 2019
Sources –
Les Archives conservées à la direction générale rassemblent les articles de presse, publications depuis 1923 jusque dans les années soixante… Elles permettent de saisir le climat, les questions, les préoccupations sociales autour de l’enfance, notamment dans l’entre-deux guerres ainsi que l’institutionnalisation du secteur social et médico-social après 1945.
– Christine Bard, 2015, Les féministes de la première vague, PU Rennes
– Becquemin Michèle, 2003, Protection de l’enfance- l’action de l’Association Olga Spitzer- 1923- 2003, Ed. Erès.
– Diebolt Evelyne, 1999, « Les femmes engagées dans le monde associatif et la naissance de l’Etat providence », voir P18 – Lenjalley Andrée, L’Association Olga Spitzer, 21 février 2008