Née en 1861 à Baden Baden dans le grand duché de Bade, Hélène Gervais Courtellemont, mariée en 1894, fait de nombreux voyages avec son mari photographe. Elle s’engage engagée comme infirmière en 1914, puis elle suit une formation de surintendante en 1917 et exerce à la pyrotechnie de Bourges. Elle travaille ensuite au Ministère de l’Hygiène pour les régions libérées, et elle est élue vice-présidente de l’École des Surintendantes.

Aînée de deux enfants, elle est issue d’un milieu favorisé, son père est avocat. Sa mère décède prématurément des suites de l’accouchement de son jeune frère. Très tôt elle assure des responsabilités dans sa propre famille. Sa jeunesse se déroule à Strasbourg, pour se poursuivre à Bordeaux, où son père collabore au journal « La petite Gironde », qu’elle quitte en 1870 pour Poitiers.
Puis Hélène y rencontrera son mari Jules Gervais Courtellemont à Alger où son père s’installe avec sa famille. Jules Gervais Courtellemont édite la revue « L’Algérie artistique et pittoresque ». Il est arrivé en Algérie suite au remariage de sa mère, veuve. Photographe reconnu, il se passionne également pour l’Islam, dont il adoptera la religion. Le couple se marie en 1894, Hélène a 33 ans. Ses goûts pour la création artistique la conduisent à pratiquer la sculpture avant de s’adonner à la photographie. Entre 1902 et 1903 le couple entreprend un voyage qui le mènera jusqu’au Tibet en passant par l’Indochine, et le Yunnan (province du sud-ouest de la Chine). Il s’agit de réaliser un reportage à la demande de Paul Doumer, alors gouverneur de l’Indochine française. Entre temps est né Victor Charles Abdallah en 1896. Il décède en 1907, à l’âge de 11 ans, tandis que ses parents voyagent en Turquie. Cet évènement tragique marquera définitivement Hélène.
Le couple se sépare en 1914. Hélène, revenue à Paris, s’engage dès le début de l’année comme infirmière à l’hôpital du grand palais. Face à l’afflux de blessés il faut implanter une logistique sanitaire de grande ampleur. Le Grand Palais est réquisitionné par l’armée et transformé en hôpital. Il accueille les premiers blessés en octobre 1914. Les besoins en personnels soignants sont importants, la plupart des volontaires qui se présentent pour contribuer à l’effort de guerre n’ont pas de compétences médicales. Le Service de santé des armées s’appuie sur la Croix-Rouge pour la formation des soignantes en accéléré.
Hélène entend parler de l’association des surintendantes d’usine à cette période, et en 1917, âgée de 56 ans, elle suit la première cession de formation à l’école des surintendantes d’usine qui dure 3 mois. Devenue surintendante elle exerce à l’école militaire de pyrotechnie de Bourges, qui fabrique des armements. L’école de pyrotechnie fait partie des premiers établissements recruteurs de surintendantes d’usines. Quatre surintendantes œuvrent dans cette usine (outre Hélène Gervais-Courtellemont, se trouvent Mlles Lenais, Leduc, et Delagrange*) dirigée par le général Appert, réparties dans les principaux ateliers ou groupes d’ateliers, tous à très gros effectifs. Personnel majoritairement féminin, les conditions de travail des 6000 ouvrières sont pénibles. S’y ajoutent le manque de considération, la phallocratie, et l’insalubrité. Elles reçoivent les réclamations des ouvrières, résolvent des questions d’hygiène du travail, d’entraide sociale, de protection de la mère et de l’enfant. Hélène partage les conditions de vie précaires des ouvrières, par choix et pour être mieux accepté. Son activité est toute entière dédiée au mieux-être social des ouvrières. Face aux abus des militaires, elle fait adopter un règlement qui fait respecter l’intimité des ouvrières. Pour améliorer les conditions matérielles, elle fait ouvrir un lavoir, une garderie, puis un foyer. Hélène se fait remarquer pour son intelligence à comprendre les problèmes du travail, à saisir les injustices. « Installée dans un logement de deux cellules, blanchies à la chaux, meublé de bois blanc et d’un étroit lit en fer garni de paillasse identique à celles des travailleuses, elle ne veut pas plus de confort que celui alloué aux 6000 ouvrières ». Elle obtient de pénétrer dans les ateliers afin de juger par elle-même des conditions de travail à améliorer. Elle fait adopter ses propositions par les chefs d’atelier et contremaîtres.
Voici les propos prêtés à Hélène Gervais Courtellemont lors d’une manifestation commémorative mise en scène par des acteurs : « Le travail des femmes dans les usines d’armement est répétitif, pénible et peu qualifié. Les ouvrières de l’école de pyrotechnie subissent l’émanation des gaz qui entrent dans la composition des explosifs et elles doivent manipuler des obus qui peuvent être très lourd. […] elles travaillent environ 11 heures par jour à l’atelier de construction. Les salaires sont très inférieurs à ceux des hommes. Un homme gagne de 6 à 12 francs par jour, une femme de 4 à 6 francs, la moitié, à titre de comparaison, un kilo de pain coûte environ 0,45 francs. C’est la guerre et la misère ».
Sans négliger les activités associatives, elle participe le 20 août 1918 au congrès des femmes alliées qui se tient à Paris et qui regroupe les représentantes des organisations féminines de guerre. La séance est ouverte par Miss Healley Armes, secrétaire de l’YMCA. Plusieurs représentantes de l’œuvre américaine pour le secours aux français blessés sont présentes.
Après avoir quitté Bourges, Hélène Gervais Courtellemont dirigera la 5ème session de formation des surintendantes, avant d’être nommée début 1919 au ministère des régions libérées où elle restera jusqu’à sa disparition. Ce ministère, créé le 16 novembre 1917, a pour fonction d’« assumer la réorganisation de la vie locale et des moyens d’habitation, l’aide à donner aux sinistrés pour le relèvement des immeubles détruits, la réparation des dommages de guerre, la reconstitution du sol, la restauration agricole, commerciale et industrielle » Les surintendantes y ont pour mission de créer les services d’hygiène, de protection de l’enfance, d’assistance au retour des réfugiés.
En responsabilité de la région nord qui compte neuf départements il lui appartient de centraliser toutes les questions concernant le service féminin d’assistance et d’hygiène sociale afin de faire des propositions réalisables pour améliorer la condition des populations. Elle procède au recrutement des personnels de direction affectés sur le terrain, qui seront ses collaborateurs dans chacun des départements. Une surintendante est attachée à chaque préfecture, intermédiaire entre l’administration et les familles pour l’évaluation des dommages de guerre en vue de l’attribution d’avances financières. Durant les quatre années passées dans ce ministère, Hélène Gervais Courtellemont aurait contribué à la création de 55 dispensaires, et de 32 postes scolaires. 92 consultations de nourrissons ont régulièrement fonctionné. Les 10 inspectrices qu’elle aura recrutées, aidées de 156 infirmières ont assuré des visites aux enfants de 660 écoles. Elle est imaginative et crée un service féminin cohérent. Elle tisse des partenariats forts avec les services ou organismes d’aide sociale qui peuvent ainsi conjuguer les actions. Elle est en relation avec le CARD (comité américain pour les régions dévastées).
Ayant gardé contact avec l’école des surintendantes, elle est élue vice-présidente de l’association des anciennes élèves de l’école en novembre 1919. Puis en octobre 1921, elle dirige le comité technique de l’école des surintendantes. Début 1922 elle travaille aux projets de l’école d’infirmières hospitalières et de l’association des travailleuses sociales (ATS). Cette association loi 1901 est inspirée par Hélène Gervais Courtellemont. Elle sera créée en juin 1922 et déclarée en septembre 1923 par Juliette Delagrange*. Le but de l’association est de lutter contre l’isolement des travailleuses sociales et pour l’amélioration de la qualité de leurs interventions. Elle milite pour que les travailleuses sociales bénéficient d’un statut clair et qu’un diplôme spécifique se mette en place.
Hélène Gervais Courtellemont connaîtra une fin tragique dans son appartement parisien. Le 12 juin 1922 elle meurt brûlée vive suite au renversement d’un réchaud à alcool.
SOURCES : Hôpital militaire du Grand Palais, DOSSIER PÉDAGOGIQUE DU GRAND PALAIS N° 3, RNM GP 2014Ministère de l’hygiène en charge du service féminin d’assistance d’hygiène sociale des régions libérées (9 départements du nord de la France) – Assemblée générale du 21 février 1918 de l’Association des surintendantes d’usines et de services sociaux- Guy Courtellemont, Vie sociale, Hélène Gervais Courtellemont 1861-1922, 3-4 1993, pp43-46-Guy Courtellemont, La remonte du 37e ou les ouvrières et les surintendantes de la Pyrotechnie de Bourges pendant la Grande Guerre, Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry n°117, mars 1994 pp41-64, Publication de la Société d’Archéologie et d’Histoire du Berr – L’encyclopédie de Bourges, Narboux Roland. Les Diseurs du Berry ont proposé une animation à Bourges sur ce qui s’est passé entre le 1er novembre 1918 et la signature de l’Armistice. C’est sous forme de scènes avec les éléments historiques les plus proches possibles de la réalité. – Journal « l’Œuvre » du 21 août 1918.

Dany Bocquet