Née en 1906 Cécile Braquehais, diplômée de l’École des Surintendantes, a exercé comme conseillère technique puis comme inspectrice technique et pédagogique des écoles de service social au ministère de la santé et des affaires sociales entre 1945 et 1976, date de son départ à la retraite. Elle a ainsi, pendant trente ans, porté le dossier de la formation des assistantes de service social au sein du ministère, sa grande expertise sur le sujet ayant pesé à plusieurs reprises sur des prises de position favorables au développement du métier et de sa professionnalisation.
Cécile Braquehais naît à Amiens en 1906 d’un père comptable et ingénieur qui travaille à la Compagnie Générale d’Électricité. Elle passe le Brevet élémentaire en 1920 et commence à travailler dans une usine textile. En 1928, elle prépare le diplôme de « dame infirmière » à la Société Française de Secours aux Blessés Militaires (Versailles). Et en 1930, elle entre à l’École des Surintendantes d’usines et de services sociaux sur recommandation de Mlles Hardouin et Routier. Elle obtient le diplôme de surintendante en juin 1932 qui lui donnera par équivalence en 1934le diplôme d’état d’assistante de service social qui a été créé en 1932. À sa sortie de l’école, elle est embauchée comme surintendante d’usine aux Établissements Louis Nicolle (filature de lin) à Canteleu en Seine maritime. En 1934, elle quitte cet employeur pour la Société des Habitations à Bon Marché de la Ville de Paris et en 1935 elle devient assistante sociale et infirmière scolaire à la mairie de Versailles.
A partir de 1940, elle va exercer des fonctions de direction et d’enseignement. Elle est d’abord embauchée en novembre par la Délégation Régionale à la Famille (structure régionale de la Délégation Nationale à la Famille de Vichy), dont dépend l’Office d’Hygiène Sociale de la Seine. Elle dirige l’œuvre des « Petits réfugiés » du département de la Seine et Oise et est nommée « chef de l’Office d’Hygiène Sociale de la Seine et Oise ». Elle donne par ailleurs des cours à l’Ecole Régionale d’infirmières et d’assistantes sociales de l’Hôpital civil de Versailles.
En 1941, elle cherche à organiser la coordination des services sociaux à Versailles.
A partir de 1942, elle organise des convois d’enfants (dont des enfants juifs), encadrés par des réfractaires au STO, vers l’Afrique du Nord. Elle est d’ailleurs chargée du STO pour la région et participe à un réseau d’appui aux réfractaires au STO. Elle enseigne les méthodes de travail à l’Ecole Sociale Familiale de la Confédération Générale des Familles, que l’Abbé Violet a ouverte en 1927.
A la Libération, Jean Marie Arnion, qui a été le responsable de la Délégation Régionale à la Famille et à ce titre supérieur hiérarchique de Cécile Braquehais, la recommande à Emmanuel RAIN, directeur général de la Population et de l’Entraide, au Ministère de la santé publique et de la population, qui la recrute. Elle est nommée inspectrice de la Population et de l’Action Sociale, et conseillère technique auprès de E. Rain avec qui elle va travailler jusqu’à son départ en 1959, poursuivant cette fonction auprès de son successeur Bernard LORY.
Dès 1946, elle rédige pour Emmanuel Rain une note sur l’organisation de la profession d’assistante sociale. Elle propose une « Union » avec obligation d’adhésion pour les assistantes sociales (et non un « ordre » car les assistantes ne sont pas une profession libérale). Cette Union regrouperait les assistantes diplômées d’État, les auxiliaires de service social (constituées en section au sein de l’Union).
En 1951, elle devient inspectrice technique et pédagogique des Écoles de Service Social.
Elle va ainsi pendant près de 30 ans contribuer activement à la politique de développement du service social et plus particulièrement du dispositif de formation initiale et continue des assistantes de service social.
Elle accompagne l’évolution des diplômes et des programmes de formation et établit assez régulièrement des notes synthétiques sur le développement quantitatif et qualitatif des écoles de service social, devenant de ce fait l’experte de référence au sein du ministère.
Elle pilote le projet d’ouverture d’une école expérimentale de service social qui s’incarne à Montrouge à la fin des années 50, l’école d’infirmières et d’assistantes sociales devenant l’Institut de service social, école d’assistantes de service social et, en 1962, de « cadres de services sociaux et de cadres pédagogiques » qui va ainsi fonctionner jusqu’à la création du DSTS (diplôme supérieur en travail social) en 1978, en s’ouvrant aux éducateurs spécialisés à partir de 1966.
Cécile Braquehais va également jouer un grand rôle à la fin des années 60 lors de la création des IUT carrières sociales qui pose la question de l’avenir des écoles sociales. Elle va plus particulièrement peser de tout son poids en 1968 auprès de la nouvelle Secrétaire d’état aux affaires sociales Marie Madeleine Dienesch pour que celle-ci acte la poursuite d’un dispositif de formation spécifique aux métiers du travail social sous la tutelle du ministère des affaires sociales.
C’est ainsi que Cécile Braquehais a été très engagée dans l’élaboration du projet d’écoles multi-métiers du social avec les IRFTS (Instituts régionaux de formation en travail social) qui vont s’ouvrir à partir de 1974.
Le dernier grand projet qu’elle va accompagner est celui de la création d’un diplôme supérieur du travail social, son aboutissement avec le DSTS intervenant en 1978, deux ans après le départ à la retraite de Cécile Braquehais.
Après la période pionnière du développement du service social et de ses écoles dans l’entre-deux-guerres, la période 1945-1975 fut celle des « trente glorieuses » du déploiement institutionnel du service social, d’une profession organisée et de la transformation d’un dispositif de formation de métier d’assistante de service social en un dispositif pluri-métiers du travail social. A bien des égards, Cécile Braquehais peut être considérée comme la cheville ouvrière de cette mutation de par la diversité des chantiers et des projets qu’elle a portés et souvent même initiés. Ce qui a été reconnu par l’Etat qui lui a attribué la Légion d’honneur en 1959.
En parallèle à son activité ministérielle, elle s’est impliquée dès la création de l’ANASDE (Association nationale des assistantes sociales diplômées d’état) qui devient l’ANAS en 1948. Elle a été membre du bureau entre 1945 et 1948. De même, elle est entrée en 1952 au conseil d’administration de l’Association des surintendantes d’usines et des services sociaux, en devenant vice-présidente entre 1968 et 1979.
Dans les années 1970, Cécile Braquehais s’est également impliquée dans les travaux du réseau d’histoire du service social, mettant au service de celui-ci sa riche documentation relative à l’évolution réglementaire et institutionnelle du service social et de ses écoles. Elle a ainsi publié quelques articles sur ces questions.
SOURCES : Archives nationales, Fonds privé Cécile Braquehais, Répertoire 19870527/1-19870527/11. — Hélène Lienhardt, Cécile Braquehais Une vie au service des déshérités dans les débuts du service social, brochure, 2003, 130 p. (bibliothèque du CEDIAS).
BIBLIOGRAPHIE : « La réforme du service social des directions départementales de l’action sanitaire et sociale », Revue française de service social, n° 94, 1972/04-06. — « L’évolution de la formation des assistants et assistantes de service social », La Revue française de service social, n° 106 (1975/04-1975/06). — « L’équipement en service social », La Revue française de service social), n° 110, 1976/04-06. — « Évolution chronologique de la réglementation des spécialisations en matière de Service social », La Revue française de service social, n° 114, 1977/04-06. — « Conclusion des journées », Vie sociale, n° 8-9, août-septembre 1976. — « Pour une histoire du service social en France », La Revue française de service social, n° 118, 1978/04-06. — « La réforme du service social des directions départementales d’action sanitaire et sociale », La Revue française de service social, n° 173-174, 2e et 3e trimestres 1994.
Patrick Lechaux