Née le 21 novembre 1878 à Saint-Étienne (Loire), Valentine Charrondière fut baptisée le 6 décembre 1878 à l’église Saint-Charles à Saint-Étienne.
Ses activités sociales intenses.
À 24 ans, elle commença à travailler comme agent de l’État, et cela pendant 26 ans. Elle a d’abord été, en 1902, institutrice de l’enseignement public dans la région de Lyon. Puis en 1907, elle prépare en quelques mois le concours pour l’admission dans les cadres de l’Inspection du Travail, tout en assumant la responsabilité d’une classe. Elle s’y présente et est reçue 7e sur 500 candidats (12 furent retenus). À cette époque, peu de femmes exerçaient la fonction d’inspecteur du travail, créée seulement depuis 1892 ; s’y présentaient essentiellement des agrégés et des directeurs d’Écoles normales. Valentine Charrondière est nommée à Rouen sur sa demande, ayant désiré ce poste à cause du grand nombre de femmes qui travaillaient à domicile pour la confection, dans de mauvaises conditions. Désormais, elle est chargée d’inspecter le travail à domicile et va s’occuper des ouvrières et des travailleurs à domicile. Elle y restera inspectrice départementale du travail jusqu’en 1928. C’est par sa ténacité qu’elle obtient l’obligation faite aux employeurs de prévoir des sièges dans les ateliers qui ont un personnel féminin. C’est encore elle qui, ayant constaté les salaires dérisoires des ouvrières à domicile pendant la 1ere guerre, obtient des mesures réglementaires de justice élémentaire. Lorsqu’un nouveau décret réglemente l’emploi des enfants et des femmes aux étalages par grand froid, elle sort tous les jours pour le faire appliquer malgré un temps glacial et le gel. Soucieuse des conditions de travail, elle l’est aussi du chômage et n’hésite pas à s’investir personnellement en dirigeant un atelier où elle fait produire pour les soldats : gilets, cache-nez, couvertures, chandails.
En 1918, elle milite dans la lutte antialcoolique et aide le Syndicat de l’Aiguille à mener une campagne dans les milieux ouvriers contre ce fléau. La même année, Valentine Charrondière propose ses services au Docteur André Canchois, pionnier du mouvement familial à Rouen.
En 1919, elle va à Paris pour s’occuper de la fondation d’une association familiale dans le 20e arrondissement. Cette association a pour but d’aider les familles « par la pratique de la solidarité et de parfaire l’éducation des parents et des enfants en vue du meilleur accomplissement de leurs devoirs familiaux ». Elle soutient les Associations Familiales parce qu’elle estime qu’elles réaliseront son programme, à savoir l’éducation, en vue de leur rôle familial, des parents et des enfants et par toutes sortes de services (coopération – caisses de Mutualité – de maladie etc.), alléger les charges des familles. Elle s’occupe aussi de conférences d’éducation sociale, faites le soir, aux ouvriers. À son retour à Rouen, elle anime une Ligue des Familles nombreuses, œuvre analogue à celles qu’elle ai étudiées à Paris. Enfin, la même année, elle participe au Congrès d’Action familiale à Rouen qui préconise une action très large en faveur de la famille.
En 1920, Valentine Charrondière crée le mouvement des Auxiliaires Familiales, qui a pour but « l’assistance sociale des mères de famille ». A Rouen, elle participé à la fondation de la Cité du Plateau des Sapins qui abritent 91 familles comptant 443 enfants ; dans laquelle l’action des Auxiliaires familiales sera importante. Elle se retrouve, en 1921, secrétaire générale de l’Aide aux Familles Nombreuses et en 1923, collabore à la deuxième session des États Généraux de la Famille qui se tient à Rouen. C’est par ce biais là qu’elle s’intéresse à la région du Nord.
Durant les années 1924-1925, elle participe de façon très active à la création de l’Apostolat Familial de la Prière, branche de l’Apostolat de la Prière. « L’action en faveur de la famille est devenue la vie de ma vie et m’absorbe tout entière. J’y trouve indication certaine et définitive de la Volonté de Dieu. », écrit-elle. Et en 1928, désirant de plus en plus se consacrer totalement à l’action en faveur de la famille, elle renonce à sa fonction d’Inspectrice du Travail.
En 1929, elle part à Lille-Délivrance pour fonder un Centre d’Action Familiale dans une Cité de la Compagnie des Chemine de fer du Nord, habitée par 870 familles de cheminots et plus tard par 1200 familles. « Le bien-être matériel est à peu près suffisant dans cette Cité mais on y rencontre bien d’autres problèmes », écrit-elle. Aussi, en 1930, elle crée des Maisons d’auxiliaires familiales, à la cité des chemins de fer de la gare de Lille-Délivrance à Lomme, et à la Cité Jardins de Lambersart.
Création de l’école
À partir du 15 janvier 1931, Valentine Charrondière sera chargée de faire un cours à la faculté Libre de Lille, « pour aider les étudiants qui s’intéressent à l’Action Sociale à se présenter dans les familles avec l’attitude qui convient. » En outre, la même année elle assure les cours d’éducation sociale et de morale professionnelle à l’école d’infirmières visiteuses de l’enfance à Lille. A partir de la, elle va s’orienter vers l’enseignement.
Deux personnages-clefs sont à l’origine du lancement et du développement de l’école de service social : Eugène Duthoit et Valentine Charrondière
– L’école de service social de la région nord est créée par Eugène Duthoit, qui par lettre du 6 mai en 1932 a adressé la demande d’agrément. Cette création se fait dans une période effervescente. L’École de Service Social est fondée en même temps que l’École des Missionnaires du Travail, crée également par la Faculté Libre de Droit. Dans la même année, la Faculté Libre de Médecine donne naissance au Mouvement Ad Lucem, organisant la coopération d’étudiants en médecine et de médecins dans les pays du Tiers Monde. Ainsi, 1932 verra la création de l’École de service Social, l’École des Missionnaires du Travail, le Mouvement Ad Lucem. En outre, la même année ont lieu les semaines sociales qui regroupaient à peu près 2 000 personnes. Il y a donc là tout un mouvement dans lequel s’est engagé la Faculté de Droit de la faculté Catholique. Les choix qui ont présidé à la création de l’école sont des choix fondamentaux par rapport à la société et par rapport à l’église, ainsi l’école est fondée dans le cadre de la doctrine sociale chrétienne, née dans la mouvance de l’encyclique Rerum Novarum. À l’inauguration ; Eugène Duthoit affirme « Le service social assure l’équilibre entre la personne et la société »
– En octobre 1932, âgée de 54 ans, Valentine Charrondière, est sollicitée pour la Fondation et la Direction d’une école de Service Social à Lille. Elle ne renonçait pas pour autant à l’action en faveur de la famille, mais elle allait désormais se consacrer à la formation de celles qui devraient l’exercer et la vivre.
Ainsi, compte tenu de la double orientation, deux organismes ont été créés : Un conseil technique composé de personnalités et une association
D’abord rattachée à la faculté Catholique, l’École de Service Social devient autonome mais restant en lien avec la faculté. Une notice initiale précise son intitulé « École de Service Social » avec le sous-titre : « Section de l’École des Sciences Sociales et Politiques » et indique l’esprit : « Toute la formation est ordonnée au bien familial moral et économique, première et solide base du bien social, réalisé dans une cordiale collaboration avec tous ceux gui orientent leur action vers le même but. » Ainsi, l’école de Service Social a été très vite orientée vers les carrières de service social articulées sur la justice et le droit social. Années après années, à la sortie de chaque promotion, les élèves créent et installent de nouveaux services en faveur des familles et dans différentes structures telles que les écoles, hôpitaux, usines…
De plus, l’école possédait un foyer, vu comme moyen de compléter la formation des élèves, de les préparer à diriger elles-mêmes une maison
Valentine Charrondière va désormais diriger cette école d’une main ferme, sans pour autant abandonner ses autres activités, telles que l’école de Visiteuses de l’Enfance à Lille, la Cité familiale de Lambersart – Nord, l’association Familles nombreuses de Lille, le Service Social de la Caisse de Compensation interprofessionnelle de Lille, le Service Social des Assurances Sociales du Pas-de-Calais, le Service médico-social des Mines de Carvin, les Gîtes d’HBM à Paris et à Rouen… Elle est reconnue comme une personnalité de premier plan.
Elle continue d’innover. En 1937, elle institue le service social au centre Ardentes à la fois sanitaire, éducatif et culturel, dans l’Indre. En 1938, elle s’intéresse aux Centres d’Orientation professionnelle et favorise leur implantation dans le Nord. Durant ces mêmes années 1936, 1937 et 1938, elle organise des Sessions Intensives de formation sociale d’une durée de quatre semaines, établit le programme de cours et de visites pratiques, contacte les conférenciers, se charge elle-même de cours nombreux.
Elle participe au fur et à mesure de la sortie des promotions, à l’installation des services adaptés aux besoins de la région. Elle organise pour les nouvelles professionnelles des rencontres et des sessions de perfectionnement. Chacun des livrets scolaires porte une double signature : Directrice de l’école, V. Charrondière ; représentant du conseil technique, Eugène Duthoit.
Pour beaucoup d’auditrices qui ne connaissaient pas les conditions de vie et de travail des ouvriers, les cours furent une révélation. Ces Sessions eurent un retentissement qui dépassa le cadre de l’École de Service Social et toucha de nombreux chefs d’industrie.
Activités pendant la seconde guerre mondiale
En 1939, dès le début de la guerre, pour répondre aux besoins, Valentine Charrondière organise une section d’Auxiliaires sociales plus rapidement formées que les Assistantes sociales et autorisées par le Ministère de la Santé à exercer des fonctions médico-sociales. En mai 1940, elle quitte à regret le Nord, ayant reçu la consigne de faire replier l’école de Service social à Rennes. Durant l’exode, elle se dépense sans compter auprès des familles évacuées et des blessés. Elle revient à Lille le 9 juin et y déploie à nouveau une intense activité. Elle réorganise son École, cherche de nouveaux locaux, multiplie les contacts avec les assistantes sociales. Elle fait face à tous les problèmes, soutient, conseille, cherche des concours, et, le plus souvent permet à de nombreux services de fonctionner à plein en s’adaptant aux conditions de vie des quatre années d’occupation. En 1943, en pleine guerre, elle organisera une section de conseillères sociales du Travail, répondant là encore à de nouveaux besoins.
Après la seconde Guerre Mondiale
Après la guerre, en juillet 1946, Valentine Charrondière subit une intervention chirurgicale et un mois après est victime d’un accident de santé très brutal et très grave. Elle déclare : « Je sens bien que l’heure de ma mort n’est pas venue. Cependant, cette maladie me détache de bien des choses. » Elle s’en remet et prépare la rentrée, du lit mécanique où elle est immobilisée. Petit à petit elle reprendra son activité normale, réduira quelque peu les efforts physiques mais, de son bureau, dirigera l’École, fera de nombreux cours au Foyer où elle vit désormais pour éviter les allées et venues. Ainsi durant ses six dernières années, elle mènera une vie surchargée et continuera ses créations. Par exemple, en 1947 et 1948, elle montera une section de spécialisation rurale en deux sessions.
Mais les dernières années de sa vie, elle s’angoissait pour les autres ; leurs souffrances, les dangers qu’ils couraient l’étreignaient. La fidélité de ses sentiments était constante et avait gardé intactes malgré l’éloignement, ses relations de famille et ses plus vieilles amitiés. Au début de l’année 1949, elle décide prendre du recul. Après un voyage en Italie, elle fit la visite de nombreux membres de sa famille et d’amis répartis à travers la France. Elle voulait revoir tous ceux qu’elle aimait.
À la rentrée de janvier 1953, elle est encore en pleine activité. Mais dés le 20 janvier, elle dut s’aliter et eut conscience de son état : « Je suis usée ». Elle décéda le 9 février 1953, à 77 ans, au Foyer de l’École où elle demeurait depuis des années.
En bref, on peut dire que Valentine Charrondière fut une forte personnalité et une femme dont l’intelligence, la culture, la volonté, le désir continu de servir les autres, sont reconnus par tous. Elle a d’ailleurs été nommée Chevalier de la Santé Publique par décret du 22 janvier 1951.
D’une intelligence lucide, méthodique, qui faisait dire d’elle « une intelligence d’homme avec un cœur de femme », elle ne reculait jamais devant une responsabilité de même qu’elle faisait prendre conscience de leurs responsabilités aux employeurs comme aux travailleurs. Elle avait un ascendant remarquable et une autorité naturelle : industriels, ouvriers, tous l’écoutaient, lui demandaient conseil et orientation. Ni l’argent ni les titres ne l’impressionnaient, ne représentant à ses yeux que des responsabilités supplémentaires. Elle eut le sens de la promotion ouvrière, de la justice.
On ne peut comprendre l’action Valentine Charrondière qu’en la resituant dans sa foi catholique. A la base de son action, se trouve une vie intérieure soutenue, une conviction chrétienne.
Sources : Plaquette des anciennes élèves, 1960. — Pierre Garcette (1920-1999), « Les débuts de l’école et de la profession, 1932 ». — « ESSRN, une histoire, des projets », actes du colloque des 19-20 novembre 1992.
Brigitte Bouquet