Née le 2 septembre 1910 à Genève (Suisse), décédé en juin 2008. Après avoir rempli la fonction d’assistant social pendant trois ans, Roland Assiathiany, passe de militant de l’association « L’enfance Coupable » au poste de directeur des affaires sanitaires et sociales auprès du Ministère de la Santé et de la Population en fin de carrière.

Né d’une mère ukrainienne et d’un père géorgien, Roland Assathiany a eu deux sœurs qui ont eu un écart de onze et de dix-sept ans avec lui.

Révolutionnaire menchevick (socio-démocrate), son père avait été déporté au Turkestan après la révolution échouée de 1905. Libéré, mais à nouveau emprisonné pour ses activités, il avait réussi à s’échapper dans des conditions incroyables. Réfugié en Suisse où il bénéficia en d’un statut de réfugié politique, il a suivi à Genève des études de droit et gagna sa vie en exerçant de manière éclectique plusieurs métiers, notamment le massage et la kinésithérapie sans diplôme et le découpage de puzzles en bois. Militant très actif et très sollicité, il retourna en Géorgie dès 1917 pour participer à l’organisation de son pays. Plusieurs missions lui seront successivement confiées, d’abord en Ukraine, puis à Bucarest, puis finalement en France où il s’installera définitivement en 1919. D’abord diplomate pour l’ex-état de Géorgie, il sera à partir de 1935, suite aux accords franco-soviétiques qui y mettent fin, le représentant de la colonie des réfugiés géorgiens en France. La mère de Roland, d’une famille aisée, qui suivait des études de médecine en Ukraine, les arrêtera à sa venue en Suisse.

Très jeune, Roland Assathiany est confronté aux absences de ses parents. Mademoiselle Chomé va s’en occuper pendant toute son enfance et son adolescence. Elle a cinquante-cinq ans et lui un an, quand elle rentre dans sa famille qu’elle ne quittera plus. Considérée par Roland Assathiany comme sa grand-mère, elle va l’accompagner en suivant ses déplacements : Genève, Annecy, Neuilly, Bonn en Allemagne, Neuilly, Cachan où son père, d’abord diplomate pour l’ex-état de Géorgie, sera à partir de 1935, le représentant de la colonie des réfugiés géorgiens en France. Mademoiselle Chomé, protestante d’origine belge, amie du pasteur Merle d’Aubigné, a marqué très profondément le cours de l’existence de Roland par le sens de ses valeurs : disponibilité attentive, sens de la justice, ouverture de pensée, tolérance et sens de l’humain. Faisant peu à peu partie de la famille, elle y restera jusqu’à sa mort en 1940.

Les Cours préparatoires de Roland Assathiany ont eu lieu dans une école Montessori de 1916-1918 « Quand j’ai commencé à six-sept ans à aller à l’école primaire de mon village en Suisse, alors que la maîtresse donnait aux autres des coups de règle, moi elle m’embrassa à la fin du trimestre, ce qui fait qu’en sortant, la nuit tombait tôt, les autres se sont précipités sur moi et m’ont mis de la neige dans le cou sans beaucoup d’égards. Je n’ai pas compris pourquoi cette violence et j’ai dit à ma  » grand-mère  » que je n’y retournerais plus. Elle m’a dit tu as raison et m’a inscrit dans une école privée qui appliquait les méthodes récentes de Montessori ». Cette école a laissé un excellent souvenir à Roland Assathiany. Puis il a été au petit lycée, l’Institut J.J. Rousseau, de 1918-1919. « Comme j’étais là encore très gentil, la maîtresse en fin d’année m’a embrassé ; ce qui m’a valu des coups de pieds dans les chevilles »

Sa famille s’installe en France définitivement vers 1919. Il est alors inscrit au petit Lycée de Janson de Sailly, Neuilly sur Seine, de 1920-1921. C’est durant cette année que mademoiselle Chomé retrouve Merle d’Aubigné, le père du professeur qui était pasteur à Neuilly. C’est par son intermédiaire que Roland entre chez les éclaireurs unionistes (protestants), mouvement qui va avoir une grande importance pour le développement de sa personnalité. Puis ses études au lycée vont avoir lieu dans plusieurs lieux différents : une année en Allemagne au lycée allemand de Bonn sur le Rhin en 1921-1923 pour apprendre la langue ; puis une année au lycée français des forces d’occupation ; de nouveau au Lycée Pasteur à Neuilly, de1923 à 1927 ; enfin à Lycée Lakanal, 1927 à 1929 où il est en première puis en philosophie. Après sa scolarité, Roland Assathiany suit des études de droit à Paris où il obtient sa licence à Paris en 1932.

Deux périodes principales, l’une et l’autre centrées sur les problèmes à caractère humanitaire et social, mélanges d’activités professionnelles et bénévoles, concernent le secteur privé de 1932 à 1943, l’autre le secteur public, à partir de 1943.

Son travail dans le secteur privé est relativement court. Après ses études de droit, Roland Assathiany fait fonction d’assistant de service social auprès du Tribunal pour enfants de la Seine, rue du Pot de Fer (future association Olga Spitzer), de 1932-1935.

Puis en 1935-1936, Il demande à faire son service militaire comme sursitaire apatride, où il termina comme maréchal des logis. La proposition lui est faite alors de demander la nationalité française, mais son père n’y étant pas favorable, il ne donne pas de suite. En 1937 et 1938, il sillonna la France pour donner des conférences sur l’enfance délinquante. Libéré en 1938, proche des quakers, Roland va profiter de l’opportunité d’une bourse pour passer une année à l’université quaker de Birmingham pour perfectionner son anglais et y obtient le diplôme, le Woodbrooke Testamur. A son retour, Roland est nommé en 1937 délégué à la propagande pour l’enfance coupable, (qui publiait alors une revue du même nom ; L’enfance coupable deviendra plus tard Rééducation). Cette mission lui donne l’occasion de circuler à travers la France pour faire des conférences et sensibiliser l’opinion sur l’avènement et les conditions de l’enfance délinquante. Puis il collabore en 1938 avec le Comité français pour l’intégration des réfugiés espagnols. Le 14 juillet 1939, Roland ayant demandé la nationalité française, l’obtient très rapidement. Mobilisé comme maréchal des logis, en 1939, il est autorisé à faire le peloton des élèves officiers de réserve. Prisonnier en juin 1940, il restera deux années en Autriche. Sa connaissance de l’allemand et sa position d’aspirant lui permettra durant cette période de jouer un rôle d’interprète et d’assurer quelques services pour ses camarades de camp. En 1942, libéré pour mauvaise santé, il retourne rue du Pot de Fer.

C’est alors que le secteur public devient le lieu de ses activités. Recruté par PÉRAUD, il est nommé à Lille en tant que délégué régional adjoint du commissariat général à la Famille. « M’y rendant j’y rencontrais pour la première fois DELIGNY, qui était déjà sur place ». Et il précise « J’ai fait la connaissance de Fernand Deligny qui était un créateur et non pas un gestionnaire ; on se complétait bien, même si nous n’étions pas toujours d’accord sur les moyens employés ». Roland Assathiany participera à deux stages, un à Angers, l’autre à Toulouse, pour se sensibiliser à cette nouvelle fonction. Durant les deux années où il reste à Lille, il est en contact avec le juge Jean Chazal. En 1945, année d’épuration dans l’administration, Roland est nommé à Paris comme inspecteur à la population, chargé plus particulièrement des questions touchantes : l’enfance inadaptée, les étrangers et les réfugiés, notamment les nord-africains… Mais il demande en 1946 un congé d’une année pour assurer la direction, soudainement vacante, du Chalet international des étudiants de Combloux, destiné aux étudiants victimes de la guerre (déportés, prisonniers,) « C’était un milieu très passionnant ». Elle va lui donner l’occasion d’y rencontrer Marie-José Chombart de Lauwe. Il est de retour en 1947 à l’administration qu’il ne quittera plus jusqu’à sa retraite en 1976. Il sera assez rapidement nommé directeur adjoint des Affaires sanitaires et sociales, puis finalement directeur en 1975. Cela lui a permis de poursuivre ce travail de connaissance engagé de longue date auprès des différentes structures associatives, ainsi qu’à leurs organisations nationales dont il sera très tôt participant et partenaire,  » interface  » précieux entre la puissance publique et le monde associatif. Citons notamment l’UNAR (Union nationale des associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence), dont il fut Secrétaire général à partir de 1958, mais il démissionnera en raison des conflits. Il conservera en revanche des responsabilités à l’association régionale de Paris dont il sera longtemps vice-président. A sa transformation en CREAI-Paris, il en deviendra administrateur, comme personne compétente désignée par la DRASS. Il fut très tôt adhérent et participant régulier de l’ANEJI dont il fut nommé membre d’honneur. « J’ai toujours pensé qu’il fallait rendre l’administration humaine, humble et efficace » Alors qu’il était officiellement en retraite, «il a pris l’habitude de parler aux élèves de son histoire et de celle du secteur. Il décédera brutalement en juin 2008, à l’âge de 98 ans.

Quels sont ses liens avec le Service Social ? Alors qu’il est souvent mentionné que Roland Assathiany est une personnalité distinguée de l’histoire de l’éducation spécialisée du XXème siècle, c’est trop oublier que son rapport au service social, ses liens et ses apports sont importants. Rappelons qu’il est dit de lui « le premier homme du service social », de 1932 à 1935. Dans une interview, il l’a réfuté : « Peut-être pas le premier, le second sûrement ».

En fait, dit-il « Je n’ai jamais eu le diplôme ». et il explique : « j’ai suivi une formation intensive » au Pot de Fer, service pour lequel il a effectué des enquêtes pour le compte des tribunaux. « A l’époque, ce travail fut considéré comme une innovation qui doit impulser un nouveau modèle de justice innervé par le social et davantage centré sur la figure de ‘‘l’enfance’’ en danger. ». Concernant Sa formation a été interne au Pot de Fer, et il l’a vécu comme « sa première expérience véritablement formatrice dans un milieu entièrement féminin ». Il précise que « à cette époque, c’était surtout des femmes qui se consacraient au service social dans un esprit de sacerdoce, sans compter leur temps ». Et il ajoute « dans ce milieu essentiellement féminin, je ne me trouvais pas bien. J’ai cependant beaucoup appris, j’ai appris la rigueur, le respect de l’autre et le refus de la démagogie ».  

C’est surtout par son second mariage qu’il connait bien le service social. Après son premier mariage en 1945 avec Thérèse Assathiany, elle-même très engagée dans le travail social, et qui décèdera en 1969, son remariage en 1971 avec Marie-Geneviève Graber (ils ont formé un couple très accueillant à Guéry et à Paris) le rapproche très fort du service social. Comme Roland Assathiany, elle s’intéresse à l’action internationale d’aide aux migrants et fut responsable du Service social d’aide aux émigrants (SSAÉ), association loi 1901 reconnue d’utilité publique en 1976. De plus, Madame Assatiany fut Membre du comité́ français d’action sociale, administratrice d’instituts de formation et d’une résidence sociale. Retraitée à soixante-deux ans en 1985, elle garde de nombreuses activités comme son mari Roland Assathiany : par exemple, alors que lui a été président de l’IRTS (Institut régional de travail social) de Paris, de l’École de service social de Montparnasse, elle est responsable notamment à̀ l’ETSUP (Institut supérieur du travail social). Venus au Liban dans le cadre du Service de coopération et de l’action culturelle (SCAC), mis en place par le Consulat de France à Beyrouth, ils ont apporté́ à la formation, une exceptionnelle collaboration. Roland Assathiany se plaisait à̀ répéter : « Il y avait un avant le voyage au Liban et un après. »  Mais sa femme décède brutalement en juin 1999. Roland Assathiany à nouveau seul n’est pourtant pas isolé, car il a tissé un impressionnant réseau d’amis et de responsabilités dans les centres de formation et les associations. « J’ai beaucoup de chance d’être entouré de jeunes qui me font rester jeunes »

Tout cela montre que ses apports au service social, au travail social, ont été très importants.

Brigitte Bouquet

SOURCES :

  • CNAHES, Sous-fond Roland Assathiany. Dépôt de Roland ASSATHIANY au CNAHES, 28 mai 1998. Ce fonds se situe au site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine depuis fin 2014.
  • Jacques Ladsous, « Roland Assathiany », VST-Vie sociale et traitements, n° 98, 2008/2, p. 54.
  • Lien social, Roland Assathiany, « le plus vieil assistant de service social de France ? » Témoignage d’un très ancien travailleur social », propos recueillis par Brigitte Bertin, n°262, 26 mai 1994, p. 7-8. [Dans cet cette interview, Roland Assathiany, âgé de 94 ans résume sa vie et ce qui lui importe]
  • Maitron, notice ASSATHIANY Roland, par Sylvain Cid, (Version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 27 avril 2019)
  • Martine Ruchat, Alain Vilbrod, Roland Assathiany. Un fonctionnaire militant au service de l’éduction spécialisée, Paris, L’Harmattan, 2011. [Cet ouvrage consacré à Roland Assathany, propose plusieurs aspects de son engagement social grâce à son témoignage ; un récit autobiographique qu’il se plaisait à raconter. A la suite, les deux auteurs s’attachent à analyser le fondement de ses idées, de son réseau social et de ses choix.]
  • May Hazaz, « Hommage à̀ Monsieur Roland Assathiany », Maison des Associations de Solidarité́, 1er octobre 2008.